jeudi 31 décembre 2009

Oncopital repart pour l'année nouvelle !

Des contraintes multiples m'ont empêché de faire paraître de nouveaux billets depuis le début du mois de septembre dernier. Aujourd'hui, je peux de nouveau reprendre avec plaisir cet exercice excitant qui consiste à partager avec ceux qui le souhaitent des informations et des idées sur les sujets qui sont au centre de mon activité à savoir la cancérologie et plus globalement l'organisation de la santé, notamment hospitalière.
Dans ce cadre de préoccupations, que s'est-il passé d'important au cours des quatre derniers mois pendant lesquels Oncopital est resté silencieux ? Oh, beaucoup de choses, mais deux émergent manifestement de l'océan d'informations traitant de près ou de loin des questions de santé. La première est bien entendu la pandémie H1N1, dite grippe A, et les stratégies qui lui ont été opposées; l'autre l'accouchement complexe et difficile de la réforme du système de santé américain. Dans les deux cas, il a fallu faire des choix sous les yeux d'une opinion publique gavée d'informations parfois peu cohérentes et souvent outrancières.
Les responsables de la santé publique ont choisi dans chaque pays des stratégies spécifiques vis à vis de la pandémie grippale en fonction de leur propre perception du problème...et de leurs moyens financiers pour y faire face. La France a choisi une option haute c'est à dire une démarche vaccinale systématique pour l'ensemble de la population au delà des mesures d'hygiène dites "barrières". D'autres ont préféré focaliser leur action sur des groupes dits "à risque" même si ceux qui semblent les plus vulnérables vis à vis de la grippe A ne sont pas les mêmes qui habituellement sont les victimes les plus graves de la grippe saisonnière. Quelle aura été la meilleure stratégie ? Personne ne le sait réellement aujourd'hui, le "debriefing" au cours des mois à venir s'annonce passionnant et riche d'enseignements pour les épisodes à venir, grippaux ou non.
La deuxième grande affaire qui a occupé le devant de la scène sanitaire mondiale est à l'évidence le cheminement malaisé de la réforme du système de santé américain. Là aussi, il a fallu faire des choix, non pas cette fois en fonction de dires "d'experts" plus ou moins cohérents, mais sous la pression souvent extrêmement forte d'une collection impressionnante de groupes de pression divers, de lobbies, d'intérêts financiers, d'associations de patients, de ligues confessionnelles, etc. Le choix a été fait d'aboutir coûte que coûte et si possible avant la fin de l'année en cours; pour ce faire, la réforme initiale a été revue à la baisse notamment pour ce qui est de la création d'un vrai système alternatif d'assurance publique de santé face aux compagnies privées. Là aussi, les mois à venir diront si l'injonction qui a été faite aux assureurs privés de prendre en charge la plus grande partie des américains jusqu'ici non assurés (36 à 38 millions selon les sources) sera suivie d'effet.
Dans ces deux exemples, tout s'est passé sous les yeux des média et de l'opinion publique alors qu'il s'agit chaque fois de dossiers extrêmement complexes comportant une part d'inconnu; la simplification didactique qu'impose cette vulgarisation incontournable comporte à l'évidence le risque de la caricature dans un sens comme dans l'autre. Il n'est donc pas sûr que la sérénité qui devrait présider à des décisions de ce niveau, engageant des populations entières sur des questions vitales, soit toujours préservée qu'il s'agisse des individus concernés...comme des décideurs d'ailleurs.

jeudi 3 septembre 2009

Une amende astronomique pour Pfizer

Le laboratoire pharmaceutique américain Pfizer va payer l'amende la plus élevée jamais prononcée dans l'histoire criminelle américaine soit la bagatelle de 2,3 milliards de dollars pour de multiples irrégularités commises lors des phases de précommercialisation de plusieurs médicaments.
Cette somme a été fixée après un compromis négocié entre le laboratoire et le ministère de la justice dont les principaux responsables ont tenu une conférence de presse spéciale le mercredi 2 septembre avec l'évidente volonté de donner de la publicité à cette décision tout en indiquant que d'autres affaires similaires étaient à venir.
La secrétaire d'état à la santé, Kathleen Sebelius, a clairement précisé qu'il s'agissait là d'une simple étape dans la démarche gouvernementale de poursuivre et de punir toux ceux qui ont trompé ou ont tenté de tromper le gouvernement fédéral à travers ses agences dont la FDA et surtout les consommateurs de produits de santé eux-mêmes.
Cette condamnation est la quatrième concernant Pfizer depuis 2002 pour chaque fois des démarches commerciales illégales, l'accumulation des poursuites ayant manifestement contribué à alourdir la dernière amende. Les malversations concernent des anti-inflammatoires comme le Bextra retiré du marché depuis 20o5, mais aussi un antipsychotique le Geodon, un antibiotique le Zyvox ou un antalgique comme le Lyrica. L'essentyiel porte sur des incitations à prescrire en dehors des conditions d'agrément du médicament. Pfizer avait déjà été condamné en 2004 à payer 430 millions de dollars d'amende pour avoir donné des informations mensongères concernant le Neurontin, médicament anti-épileptique et s'était à l'époque engagé à renoncer à toute démarche illégale de marketing ou de lobbying....On peut toutefois noter que même si le montant de l'amende paraît énorme il ne correspond en fait qu'à trois semaines de ventes pour Pfizer.
Les six "whistle-blowers", c'est à dire ceux parmi les salariés de Pfizer qui ont dénoncé aux autorités fédérales les agissements frauduleux de leur employeur vont toucher au moins 102 millions de dollars à eux tous. Cette possibilité légale de dénonciation "payante" date de la guerre de sécession mais permet toujours d'instruire des cas de fraudes sanitaires qui coûtent des millions de dollars aux systèmes d'assurance comme Medicare ou Medicaid.
Enfin, les attendus du jugement font très clairement apparaître que le laboratoire Pfizer a influencé le jugement de certains praticiens experts y compris au moyen d'avantages en nature et/ou en espèces.
Ce nouvel épisode judiciaire vient après celui ayant concerné le laboratoire Lilly en janvier dernier, condamné à une amende de 1,4 milliard de dollars en raison d'illégalités dans le marketing d'un antipsychotique le Zyprexa. Peut-être qu'il survient à point nommé pour aider l'administration Obama à atteindre son but dans le douloureux chemin engagé vers une réforme du système de santé américain.

jeudi 27 août 2009

Une disparition regrettable à plus d'un titre!

Le sénateur Edward Kennedy est décédé dans la nuit du 25 au 26 août 2009 des suites d'un glioblastome cérébral diagnostiqué en mai 2008. Sa disparition survient au début du mandat présidentiel d'un candidat qu'il a très fortement soutenu dès le début de la campagne et au beau milieu d'un violent débat national portant sur le thème dont il avait fait depuis longtemps un cheval de bataille, la réforme du système de santé américain.
Depuis lors, les éditorialistes divergent sur l'analyse des conséquences de cette disparition sur le cours du débat : certains pensent que cela va empêcher les républicains, au moins pendant un temps, de poursuivre leur campagne virulente et souvent outrancière, d'autres au contraire craignent que la disparition de Ted Kennedy rende encore plus difficile l'élaboration d'un compromis "bipartisan" comme l'avait si souvent obtenu dans le passé le sénateur du Massachussets. En effet, "le vieux lion du sénat" comme le surnommaient affectueusement aussi bien ses amis démocrates que ses adversaires républicains, était un des rares sénateurs à pouvoir rapprocher les deux camps dans une stratégie de "face to face", nous dirions ici "d'homme à homme". L'exacerbation des critiques du projet de réforme au cours des dernières semaines rend effectivement plus que jamais indispensable la recherche d'un apaisement sans pour autant abandonner les objectifs fondamentaux du projet mais probablement en choisissant des voies opérationnelles plus acceptables pour la majorité des américains qu'ils soient d'ailleurs républicains...ou démocrates. "The right man in the right place" n'est plus, mais il faudra bien le remplacer...rapidement.

samedi 22 août 2009

L'opposition au projet de réforme du système de santé US est plus virulente que jamais !

L'outrance a cela d'utile, c'est qu'il en reste toujours quelque chose. c'est probablement ce que pensent les opposants au projet de réforme du système de santé américain proposé par B. Obama. En effet, lors de multiples réunions publiques comme au décours d'émissions de radio ou de télévision, par exemple sur la chaîne Fox News, le président est comparé à rien moins qu'Adolf Hitler tant le projet de réforme apparaît aux yeux de certains comme une dérive dictatoriale étatique...
De fait, les opposants à la réforme, républicains conservateurs pour la plupart mais pas uniquement, ont des arguments souvent outranciers voire caricaturaux. C'est ainsi que la réforme en projet est accusée d'entraîner un rationnement des soins, de se financer en réduisant les bénéfices du système fédéral Medicare (assurance pour les plus de 65 ans et les handicapés entre autres), de menacer les PME en les obligeant à participer à l'assurance santé de leurs salariés, de contraindre les américains à changer de médecin ou d'assurance volontaire, etc.
Plus fort encore, certains n'hésitent pas à affirmer que la réforme réduira l'accès aux soins des seniors et encouragera voire obligera à l'euthanasie des personnes âgées ! Que dire des propos de l'ancienne candidate républicaine à la vice-présidence, qui en plus de la référence hitlérienne assure que la réforme Obama aurait conduit à euthanasier son dernier enfant handicapé ...
Face à ce déferlement d'accusations le plus souvent infondées, la Maison Blanche est toutefois contrainte d'adopter une stratégie défensive comme le montre le contenu du site récemment ouvert qui a pour but de réfuter un à un ces arguments y compris les plus fantaisistes. Le risque est toutefois grand que cette stratégie conduise à un compromis qui ne serait probablement pas à la hauteur de l'enjeu ni d'ailleurs à celle des promesses de campagne...

samedi 15 août 2009

Nouvel épisode de la crise au sein de la FDA

Margaret Hamburg, nouveau commissaire de la Food and Drug Administration américaine, nommée par B. Obama en mai dernier en remplacement du Dr. von Eschenbach, a accepté le 11 août la démission du responsable du département des dispositifs médicaux et des appareils de radiologie. Cette démission constitue un nouvel épisode de la crise qui secoue la FDA depuis plusieurs mois et dont ce blog s'est déjà fait l'écho à plusieurs reprises.
De fait, les modalités de délivrance des autorisations de mise sur le marché de plusieurs dispositifs médicaux ont fait l'objet de critiques notamment au sein même de la FDA, les responsables du département des dispositifs étant accusés de succomber à des pressions multiples tant économiques que politiques et de ne pas toujours tenir compte de l'avis des propres experts scientifiques de la FDA.
Un groupe de 9 scientifiques de la FDA était allé jusqu'à écrire à plusieurs membres du congrès et au président lui-même pour dénoncer cette situation que la démission récemment annoncée semble venir confirmer.
On ne peut que souhaiter que cette prestigieuse administration américaine recouvre toute sa crédibilité tant les relations entre l'industrie des produits de santé, les prescripteurs et les patients sont à l'évidence au coeur des efforts nécessaires pour contenir l'évolution des dépenses de santé dans tous les pays industrialisés et notamment aux USA.

samedi 8 août 2009

La médecine nucléaire nord-américaine en panne ?

L'Amérique du nord risque d'être à court de technétium, isotope radioactif largement utilisé dans de nombreuses procédures médicales notamment diagnostiques.
En effet, le réacteur nucléaire canadien qui produit l'essentiel de cet isotope est fermé depuis le mois de mai dernier pour des problèmes de sécurité et ne sera remis en fonction qu'au mieux à la fin de l'année, certains experts considérant que le réacteur ne sera en fait jamais remis en marche. Il faut dire que cette installation est vieille de plus de 50 ans, que diverses commissions ont demandé sa fermeture depuis 1996, mais que malgré cela il n'y a pas d'autre lieu de production de technétium en Amérique du nord. En particulier le Oak Ridge National Laboratory (Tennessee) qui produit ne nombreux isotopes à usage médical ne fabrique pas de technétium.
Le réacteur hollandais (vieux lui de 47 ans) appelé à l'aide est lui aussi fermé pour un mois, et, de toute façon sera arrêté pour une période prolongé à compter de 2010. Les réacteurs français, belges, sud-africains ou argentins peuvent apporter une aide ponctuelle mais qui ne peut être que limitée compte tenu de leurs propres besoins et de la demi-vie très courte (6 heures) de l'isotope.
Le technétium 99m (99mTc) est un émetteur de des rayons gamma (photons), très utilisé en médecine nucléaire pour réaliser de nombreux tests diagnostiques (scintigraphies) : évaluation de la compétence du myocarde en cas d'insuffisance coronarienne, recherche de localisations métastatiques notamment osseuses lors du bilan d'un patient présentant un cancer, localisation du ganglion assurant le drainage préférentiel d'un cancer et guidant ainsi la chirurgie (ganglion dit "sentinelle"), etc. A titre d'illustration on estime à 40 000 par jour le nombre d'examens utilisant du technétium pour les seuls USA.
Cette situation inquiète les autorités fédérales qui ont décidé de débloquer les crédits nécessaires à la création d'une nouvelle source de production de technétium dans les années à venir tout en soutenant la recherche pour mettre au point de nouvelles techniques de production.
Globalement il existe un problème chronique de sous financement de cette filière industrielle qui oblige à des investissements élevés dans un contexte de mesures de sécurité draconiennes pour des marges financières qui restent très éloignées de celles dégagées par un médicament à succès.
Par contre les bénéfices retirés par les patients sont importants dans la mesure où les techniques pouvant être utilisées à la place des explorations isotopiques sont le plus souvent agressives, moins performantes et régulièrement plus onéreuses. Il s'agit là d'un exemple classique de conflit entre les intérêts industriels privés et ceux de l'ensemble de la population, l'arbitrage ne pouvant venir que d'une initiative de la puissance publique.

samedi 1 août 2009

Le salariat médical : une source d'économies ?

Dans le cadre du vaste débat suscité par le projet de réforme du système de santé voulu par B. Obama, le mode de rémunération des médecins constitue logiquement un sujet de controverse. Récemment, le président américain a visité un hôpital de Cleveland (Ohio) faisant partie du groupe Bassett Healthcare qui n'emploie que des praticiens salariés. Il se trouve que les hôpitaux de ce groupe se situent dans les 10% premiers établissements hospitaliers américains pour ce qui de la qualité des soins délivrés alors qu'ils sont moins chers que la plupart des autres hôpitaux.
Ces données alimentent les critiques classiques sur les effets pervers du paiement à l'acte, accusé d'être à l'origine d'une inflation des prescriptions et des actes.
Les responsables de Bassett affirment que les salaires proposés à leurs praticiens se comparent favorablement avec les revenus réels des praticiens rémunérés à l'acte et que le salariat médical favorise le travail en équipe pluridisciplinaire, ce dernier point étant peu contestable.
Bien évidemment, une telle évolution heurte de plein fouet l'essentiel de la profession médicale e notamment son organisation la plus représentative, l'AMA (American Medical Association) , parangon du conservatisme et du libéralisme sans limites basé sur l'entreprise individuelle.
Toutefois, l'exercice médical isolé ou en association de deux praticiens diminue nettement aux USA, moins de 10% des quadragénaires exerçant de la sorte contre 38% des plus de 60 ans.
La question est de savoir comment les dispositions législatives en préparation au Congrès vont accompagner cette évolution spontanée en favorisant le salariat médical au sein d'institutions qui s'apparentent souvent à des établissements privés à but non lucratif. En toute hypothèse, le paiement à l'acte apparaît clairement dans l'esprit des congressmen, en particulier démocrates, comme un facteur inflationniste de la prescription et donc de la consommation de ressources médicales. Il est intéressant de noter que cette notion, bien classique par ailleurs, émerge officiellement dans un pays qui reste fondamentalement "libéral", alors que d'autres, "colbertistes" traditionnels, continuent à considérer que ce système de rémunération des praticiens est toujours adapté à la médecine moderne au point même d'en transporter le principe au sein de l'hôpital public. On dit souvent que l'expérience des autres est intransmissible; espérons que ce dicton n'est que partiellement exact !

samedi 25 juillet 2009

La silhouette des new-yorkais dépend en grande partie de leur quartier

Plusieurs enquêtes épidémiologiques récemment publiées confirment qu'il existe des différences marquées dans le poids moyen des habitants de New-York en fonction du quartier ("borough") où ils habitent. Ainsi, les résidents du Bronx sont obèses ou en surpoids marqué pour 62 % d'entre eux, alors que ceux de Manhattan ne le sont que pour 42%, ce qui constitue le taux le plus faible des 62 comtés de l'état de New-York. Les autres "boroughs" affichent des chiffres élevés, proches des 60% : 58,6 % pour Brooklyn, 57,7 % à Staten Island et 57,6 %t dans le Queens.
Ces résultats ne sont pas très surprenants dans la mesure où ils confirment que le niveau socio-économique est un déterminant fort du risque d'obésité. On sait par ailleurs que trois autres facteurs aggravent le risque de surpoids majeur : l'éloignement des commerces alimentaires proposant des produits frais, la mauvaise desserte en transport en commun obligeant à l'usage de la voiture et la difficulté d'accès à des espaces verts permettant l'exercice physique. Ces éléments conditionnent une grande partie de la morbidité et de la mortalité en particulier pour ce qui est des affections cardiovasculaires et du diabète. Mais l'incidence des cancers est également augmentée par l'obésité au moins pour ceux du sein, du colon, du corps de l'utérus ou du rein. En outre, l'obésité constitue un facteur classique de retard diagnostique en cancérologie et peut dégrader les possibilités thérapeutiques jusqu'à, dans certains cas, rendre le traitement idéal techniquement irréalisable. Au total, le surpoids et l'obésité augmentent l'incidence des cancers et diminuent leur taux de guérison.
En France, il est probable que les différences entre quartiers d'une même ville sont moins marquées pour des raisons sociologiques historiques. Toutefois, la ségrégation imposée par le prix de l'immobilier urbain va probablement conduire à des évolutions du même ordre qui, à défaut de les empêcher complètement, devrait conduire à prendre des dispositions sanitaires préventives et curatives adaptées.

samedi 18 juillet 2009

Retard thérapeutique : les hôpitaux québécois payent...un peu !

Plusieurs milliers de patientes ont déposé plainte contre les hôpitaux du Québec en raison du retard dans leur prise en charge par radiothérapie. Il s'agissait de patientes traitées pour cancer du sein qui ont attendu plus de 12 semaines pour bénéficier d'une radiothérapie postopératoire faisant partie intégrante du plan de traitement initial.
Un tel délai est considéré habituellement comme un facteur de dégradation du taux de contrôle local des cancers du sein ce qu'a confirmé une analyse systématique de la littérature réalisée en 2006 à la demande des autorités gouvernementales du Québec. Il apparaît en effet que chaque mois d'attente supplémentaire au delà d'un délai de 8 semaines, majorerait le taux de récidive locale de 10 à 20%, avec une influence négative moins nette sur la survie des patientes.
Le recours collectif déposé par près de 4 000 femmes traitées pour un cancer du sein entre octobre 1997 et mars 2009 et ayant attendu la radiothérapie postopératoire plus de 12 semaines s’est finalement réglé à l’amiable. Les 12 hôpitaux québécois concernés vont ainsi verser 5,4 millions de dollars canadiens soit en moyenne 1350 $ par patiente (environ 850 euros).
On peut noter que ce recours collectif a été initié par une habitante de Montréal d'origine turque qui a décidé de recevoir sa radiothérapie postopératoire en Turquie pour raccourcir le délai d'attente !
Les hôpitaux concernés déclinent toute responsabilité dans la mesure où ils considèrent qu'elle revient aux autorités gouvernementales qui décident de l'organisation des soins et de l'allocation des ressources notamment humaines et matérielles. Toutefois, au cours de la période récente ces délais d'attente se sont nettement réduits sans pour autant avoir complètement disparus.
En France, une démarche collective initiée dans le cadre du Plan Cancer a permis d'analyser les raisons de certains délais parfois inacceptables de prise en charge par radiothérapie. La mise en place de procédures organisationnelles adaptées a permis de contenir la très grande majorité des délais postopératoires pour la mise en place d'une radiothérapie à environ 6 semaines, sauf si d'autres traitement sont associés notamment une chimiothérapie.Toutefois, les tensions démographiques qui existent dans plusieurs corps de métiers indispensables à la mise en oeuvre de la radiothérapie (radiothérapeutes, radiophysiciens, entre autres) font courir le risque d'un allongement des délais de prise en charge notamment dans les zones géographiques où le maintien d'un nombre suffisant de professionnels est le plus difficile. Par ailleurs, l'accentuation des mesures de sécurité et de qualité qui constitue une évolution à la fois normale et souhaitable, a cependant un impact sur la complexité des procédures et par voie de conséquence sur le temps nécessaire à leur mise en oeuvre.
Au total, l'initiative des patientes québéquoises a la vertu de rappeler que le temps est un paramètre important du traitement et que l'influence néfaste d'un retard important dans la prise en charge est de nature à annihiler voire à renverser les avantages que l'on en attend.

vendredi 3 juillet 2009

Réforme du système de santé US : les lobbies se déchaînent !

Les contours de la réforme du système de santé américain proposée par B. Obama sont en train de se préciser au fur et à mesure que les textes issus du Congrès sont connus et que les oppositions aux mesures qu'ils contiennent se font de plus en plus fontes et claires.
Même si tous les intervenants proclament que leur préoccupation majeure est la santé des américains, on est toutefois obligé de constater que les considérations financières y compris personnelles sont au coeur du débat : les citoyens redoutent de payer plus d'impôts, les médecins d'être moins bien rémunérés, les assureurs de voir leurs marges diminuer, les industriels du médicament de constater une fonte de leurs bénéfices, etc...sans oublier les médecins spécialistes qui craignent une baisse de leurs revenus pour financer l'augmentation des honoraires des généralistes, ces derniers ne souhaitant pas que leurs revenus dépendent massivement du système Medicare, etc.
Comme prévu, rien n'est donc facile pour tenter d'améliorer la piètre performance d'un système qui consomme bon an mal an le cinquième du PIB des USA soit environ 2500 milliards de dollars.
Au sein de ce concert de critiques, l'AMA (American Medical Association), se distingue par la virulence de son opposition au projet de réforme, fidèle dans le cas présent à ses habitudes conservatrices dont elle a souvent fait preuve par exemple en s'opposant à la création du Medicare il y a une trentaine d'années. Dans le cas présent, les médecins américains ne font pas preuve d'une grande solidarité y compris entre eux, l'opposition entre spécialistes et généralistes n'ayant jamais été aussi forte.
Globalement, les craintes exprimées par les offreurs de soins y compris hospitaliers reposent sur le fait que le remboursement par le Medicare est moins important que celui apporté par les assurances privées, de l'ordre de 20% en moyenne. Pour couronner le tout, les industriels du médicament sont également opposés à la réforme à l'argument central que l'interventionnisme étatique va limiter l'éventail des médicaments et dispositifs médicaux remboursés et par voie de conséquence, selon eux, diminuer la qualité de la prise en charge !
Ces oppositions multiples et souvent contradictoires vont se manifester de plus en plus bruyamment au fur et à mesure que l'échéance législative approche, a priori à la fin de l'été.

lundi 11 mai 2009

La reconstruction du CHU de Montréal

Nos cousins de la "Belle Province" ont le projet bien avancé de reconstruire le CHUM autrement dit le Centre Hospitalier de l'Université de Montreal dans le cadre de ce qu'il était convenu d'appeler en France un partenariat public-privé et depuis quelques mois un contrat de partenariat.
Ce type particulier de contrat administratif consiste pour la puissance publique désireuse de disposer d'un équipement dont elle a la nécessité mais pas forcément les moyens, d'en confier le financement, la réalisation et la gestion (essentiellement logistique) à un ou plusieurs partenaires privés réunis dans un consortium. L'avantage évident de ce montage est l'anticipation qu'elle permet, l'inconvénient habituellement souligné étant que la puissance publique est redevable d'un "loyer" pour une durée souvent importante (35 ans habituellement) conduisant à un prix d'acquisition final parfois très élevé bien que réparti sur une longue période.
Ce mécanisme de financement a été très utilisé au Royaume-Uni au cours des deux dernières décennies y compris dans le domaine de la santé où bon nombre d'hôpitaux britanniques ont été financés selon cette procédure. Nos amis québécois se sont donc rendus en 2008 à Londres pour juger sur pièces des résultats de ces montages. La presse de Montréal s'était fait l'écho des inquiétudes exprimées par la délégation canadienne au retour de leur déplacement tant en ce qui concerne la qualité des bâtiments que leur coût final. Depuis, les fluctuations politiques québécoises ont remis le PPP en selle jusqu'à ce que la crise financière actuelle fragilise au début 2009 certains des membres du consortium qui supporte la charge financière initiale de l'investissement. Par ailleurs, l'estimation du coût final à la charge du contribuable a relancé la controverse en faveur d'un financement direct par l'Etat du Québec sous couvert d'emprunt, aujourd'hui devenu peu onéreux ...
Cette histoire à épisodes multiples illustre la fragilité et la complexité de ces montages en PPP notamment dans le domaine hospitalier où la nécessité de figer le projet initial, sous peine de lourdes pénalités en cas de modifications ultérieures, se marie mal avec les inévitables fluctuations des techniques et des procédures médicales tout au long de projets qui se déroulent habituellement sur une dizaine d'années dans le meilleur des cas. Au delà de cet aspect technique, il reste la question éthique de savoir s'il est acceptable que des investissements décidés sans en avoir les moyens soient soldés par les générations à venir qui, par construction, n'ont eu et ne peuvent avoir aucune influence sur la dette qu'ils sont tenus d'honorer.

mardi 28 avril 2009

La crise interne à la FDA continue.

A la fin de l'année dernière 9 scientifiques appartenant à la FDA (Food and Drug Administration) avaient écrit au président-élu Obama et à plusieurs membres du congrès pour les informer de leurs profonds désaccords avec les décisions prises par les responsables administratifs de la division de la FDA chargée des matériels et dispositifs médicaux. Ce blog s'est déjà fait l'écho de ce conflit interne apparemment sans précédent.
Les critiques de ces scientifiques concernaient notamment un appareil d'échographie mammaire et une prothèse du genou dont l'autorisation de commercialisation n'auraient pas reposé à leurs yeux sur des données scientifiques pertinentes et serait, au moins en partie, le fruit du lobbying des industriels concernés.
Le président Obama avait indiqué qu'il attendait que la FDA prenne des dispositions rapides pour résoudre ce conflit et apporter de solutions pérennes. Il semble que cette injonction a été écoutée puisque une réunion inhabituelle a été provoquée par la directrice du bureau d'évaluation des dispositifs médicaux pour définir la stratégie à venir de ce département de la FDA.
Dans les jours prochains, une nouvelle législation sera présentée au congrès pour que l'Institute of Medicine, organisme équivalent à notre Académie de Médecine, soit chargé d'évaluer le fonctionnement du département des dispositifs médicaux de la FDA. Les suites données à ce dossier sont très intéressantes car elles conditionnent en grande partie l'évolution des relations entre les industriels et les milieux médicaux qui font l'objet de multiples interrogations voire critiques des deux côtés de l'Atlantique.

samedi 18 avril 2009

L'effort européen en faveur du dépistage des cancers reste insuffisant

La commission européenne a publié récemment un rapport d'étape sur l'avancée des dispositions arrêtées en 2003 pour favoriser la prévention et le dépistage des cancers qui concernent chaque année environ 3,2 millions d'européens. Il apparaît que pour le cancer du sein, qui représentent 30% des décès par cancer en Europe, seuls vingt-deux États membres appliquent ou établissent des programmes de dépistage systématique. Quinze pays ont mis en place des programmes de dépistage pour le cancer du col de l’utérus et seulement douze pour le cancer colorectal. Au total, en 2007, 55 millions d'européens, dont une très grande majorité d'européennes (32 millions pour le dépistage du cancer du col, 12 millions pour celui du sein) ont bénéficié d'un examen participant à une démarche de dépistage alors que si les recommandations du Conseil avaient été appliquées partout en Europe, 125 millions auraient du être concernés. De plus, un peu moins de la moitié de ces examens ont été réalisés dans le cadre d'une démarche systématique de dépistage.
La commissaire européenne à la santé, Mme Androulla Vassiliou, a déclaré à cette occasion : «En ces temps d’incertitude financière, nous devons plus que jamais mesurer l’importance de préserver notre santé future. Les investissements dans les programmes de dépistage du cancer seront payants à long terme, la prévention constituant la manière la plus efficace et la moins coûteuse de réduire au minimum l’influence du cancer en Europe.»
Rappelons la définition de la prévention des maladies, et en l'occurrence des cancers, selon l'OMS :
  • la prévention primaire représente l’ensemble des moyens mis en oeuvre pour empêcher l’apparition d'un cancer notamment en réduisant l'exposition à des risques connus comme par exemple le tabagisme; elle repose pour l'essentiel sur l'information du public et sur l'éducation sanitaire.
  • la prévention secondaire consiste à détecter le plus précocement possible une anomalie qui constitue soit un état dit "prénéoplasique" c'est à dire comportant un risque substantiel d'évoluer vers le développement d'un cancer (polype colique, par exemple) soit un cancer avéré mais à un stade de tout début facilement curable. On parle de dépistage quand l'individu examiné ne se plaint d'aucun symptôme lors de l'examen systématique et de diagnostic précoce quand les symptômes qu'il présente éventuellement sont rapidement rattachés à la présence d'un cancer.
  • la prévention tertiaire rassemble l'ensemble des mesures visant à éviter ou à réduire les conséquences délétères des maladies; dans ce cadre, l'amélioration de la qualité des soins participe à la prévention tertiaire.

dimanche 12 avril 2009

Dossier médical personnel : acte I aux USA, acte II en France.

Le gouvernement fédéral américain a le projet d'investir près de 20 milliards de dollars pour développer un dossier médical informatisé. Un des buts recherchés est de dégager des économies de fonctionnement susceptibles d'aider à trouver un équilibre financier pour la réforme globale du système de santé prôné par Barack Obama.
Dans le même temps de nombreuses voix s'élèvent pour souligner les difficultés de la mise en oeuvre d'un tel projet ainsi que le caractère très improbable des économies espérées. C'est ainsi que des articles récents parus dans le New England Journal of Medicine rapportent que seulement 9% des 3000 hôpitaux américains audités lors d'une étude financée par le gouvernement fédéral disposent d'un dossier médical informatisé sans qu'il soit pour autant toujours communiquant avec notamment les autres établissements ou les médecins installés en ville. Par ailleurs, d'autres experts critiquent les choix technologiques actuels qui pour la plupart sont des logiciels "pré-internet" dits "fermés" ou "propriétaires" alors qu'il leur apparaît évident que la technologie ouverte du web constitue la solution la mieux adaptée permettant notamment à des contributeurs extérieurs de participer à l'amélioration permanente de l'outil logiciel, tout en réduisant le coût global de la démarche.
Il vient d'être nommé un coordonnateur national pour la technologie de l'information en médecine, le Dr. David Blumenthal, professeur à la Harvard Medical School, qui a déclaré que les économies financières n'étaient qu'un objectif "accessoire", le but principal étant en fait d'améliorer la qualité du service médical rendu par l'informatisation des données.
La triste saga du dossier médical personnel (DMP) informatisé français est là pour démontrer si besoin était que la démarche est en toute hypothèse complexe et souvent cahotique. L'objectif d'économie financière mise en avant par les décideurs de 2003-2004 était à l'évidence irréaliste, son atteinte éventuelle supposant au préalable des investissements massifs et une patience certaine avant que les premiers résultats soient perceptibles à l'échelle nationale. Il semble qu'il ait été décidé récemment au plus haut niveau de réactiver ce dossier en abandonnant l'objectif d'économie financière initialement mis en avant et en se donnant une période de mise en oeuvre plus réaliste, c'est à dire une dizaine d'années ...! Espérons que ces bonnes résolutions initiales résisteront à l'épreuve du temps, des changements politiques et des contraintes budgétaires pour enfin doter notre système de soins de l'outil performant dont il a grandement besoin.

lundi 6 avril 2009

Dr Google et mister e-patient

Se connecter pour obtenir un deuxième (ou un troisième avis), rien de très nouveau à cela depuis que le net est entré dans la majorité des foyers français. Aux USA, on estime qu'environ trois quarts des patients atteints d'une maladie chronique ont modifié l'approche de leur traitement après avoir consulté internet.
Un clic suffit en effet pour pénétrer dans un océan d'informations où le pire côtoie le meilleur, mais où globalement l'accès à la connaissance modifie profondément la relation traditionnelle entre médecin et malade, caractérisée de nos jours encore par une forte asymétrie. Il semble toutefois que la qualité informative s'améliore puisqu'une étude américaine récemment publiée dans la revue Cancer indique que le taux d'informations erronées n'est que de 5% après étude du contenu de 343 sites web consacrés au cancer du sein. Sans surprise, ce taux d'erreurs est 15 fois plus élevé dans les sites prônant une approche alternative de la maladie.
Plus fort encore, les forums de discussion offrent la possibilité de décrire précisément sa situation médicale, d'y trouver comme interlocuteurs d'autres patients dans un état équivalent et ainsi de comparer les traitements prescrits.
Il ne servirait à rien de mettre en garde ces experts en chambre vis à vis des risques de cette médecine virtuelle, il paraît au contraire plus opportun de les aider à accéder à une information fiable et utile et surtout de les encourager à faire part des résultats de leurs recherches à leur médecin pour susciter un débat. Il est tout à fait possible, voire probable, que le praticien soit surpris par des informations que ses patients ont glané sur le net et qu'il soit incapable de donner son avis dans l'instant. La meilleure attitude qu'il puisse alors adopter est de dire franchement "Je ne sais pas !" et de promettre de reprendre la conversation après s'être documenté.
Quoiqu'il en soit, il faut définitivement prendre en compte le fait que le "colloque singulier" caractérisant classiquement la relation médecin-malade comporte en fait de multiples intervenants oeuvrant dans les coulisses qui pendant longtemps étaient des personnes physiques comme la famille ou les amis, mais qui aujourd'hui sont de plus en plus souvent virtuels et surtout de plus en plus nombreux et divers.

mercredi 1 avril 2009

Un nouvel indicateur de la transformation cellulaire maligne

Dans le cadre des avancées de la protéomique (**) une équipe du Michigan Center for Translational Pathology d'Ann Arbor publie dans le numéro du 12 février 2009 du journal Nature, un article consacré à la possibilité de distinguer parmi les cancers prostatiques ceux qui sont localisés à la glande de ceux qui sont métastatiques, en dosant une protéine circulante, la sarcosine.
Il s'agit en fait non pas de protéomique au sens propre du terme mais de "métabolomique "(***) c'est à dire de l'étude des intermédiaires métaboliques qui apparaissent tout au long de la progression tumorale; leur mise en évidence et leur dosage constituent a priori des indicateurs à valeur pronostique supérieure à celles des biomarqueurs habituellement dosés dans le sang circulant comme, par exemple dans le cas particulier des cancers prostatiques, le PSA (Prostatic Specific Antigen).
L'étude repose sur l'analyse de plus de 1000 métabolites recherchés dans 262 échantillons biologiques dont 42 biopsies, le reste étant fait de prélèvements sanguins ou urinaires. L'utilisation d'un spectromètre de masse (****) a permis d'identifier 60 métabolites présents dans le tissu prostatique cancéreux alors qu'ils ne sont pas retrouvés dans le tissu normal. Parmi eux, 6 métabolites, dont la sarcosine, présentent des taux significativement élevés quand la tumeur devient métastatique. A titre de contre épreuve, l'addition de sarcosine à des cellules prostatiques en culture leur fait acquérir les caractéristiques d'un développement agressif et invasif. La perspective thérapeutique qui découle logiquement de ces résultats repose dans la possibilité de bloquer la machinerie enzymatique qui conduit à l'apparition de la sarcosine dans le milieu, empêchant ainsi la transformation cellulaire vers un mode tumoral malin.
Au total, génomique (*), protéomique et métabolomique, toutes filles de la biologie moléculaire, sont en passe de transformer l'approche diagnostique et thérapeutique de bon nombre de cancers même si la complexité des mécanismes rend encore leur application pratique limitée à certaines situations pathologiques particulières.
Quoiqu'il en soit, il s'agit-là d'une application remarquable de la recherche dite en transfert c'est à dire reliant étroitement les questionnements biologiques cognitifs d'une part et les préoccupations cliniques applicatives d'autre part.

Sreekumar A and al. Metabolomic profiles delineate potential role for sarcosine in prostate cancer progression. Nature. February 12, 2009.

(*) Génomique : discipline biologique qui a pour objet l'étude du génome ou patrimoine génétique d'un organisme vivant
(**) Protéomique : discipline biologique récente qui étudie l'ensemble des protéines d'une cellule ou protéome.
(***) Métabolomique : discipline biologique très récente qui étudie l'ensemble des composés issus du métabolisme cellulaire ou métabolites.
(****) Spectromètre de masse : appareil servant à l'analyse des molécules par caractérisation de leur structure chimique en fonction du rapport entre leur masse et leur charge après ionisation (acquisition d'une charge électrique négative ou positive) en phase gazeuse.

dimanche 22 mars 2009

Certains patients américains porteurs de cancers ne peuvent accéder aux soins

Les difficultés financières actuelles conduisent des millions d'américains qu'ils soient assurés ou non à renoncer aux soins. Parmi eux, les patients traités pour cancer n'échappent pas à ces contraintes, une étude récemment publiée par une équipe du NCI estimant leur nombre à 2 millions sur 12 millions d'anciens patients vivants, soit environ 17%.
Sans surprise, ce sont les moins favorisés (noirs et hispaniques) qui renoncent à tout ou partie des soins bien que beaucoup d'entre eux soient titulaires d'une assurance santé. Les raisons de cette situation sont multiples : contrat d'assurance ne couvrant pas certains soins, reste à charge trop important, absence au travail réduisant le salaire, frais de déplacement, etc. Il peut même arriver, semble-t-il, que des patients refusent pour des raisons financières de recevoir un traitement pour une pathologie aussi hautement curable qu'une maladie d'Hodgkin ou un petit cancer du col utérin.
Le projet de réforme du système de santé américain engagé par Barack Obama ne lève pas toutes les inquiétudes dans la mesure où il s'adresse préférentiellement aux citoyens américains dépourvus de toute assurance santé. Le risque est que ceux qui en possède une mais insuffisante pour couvrir des soins complexes et onéreux ne puissent toujours pas y accéder s'ils ne bénéficient d'aucune aide.
Cette situation désolante est à comparer au système des affections de longue durée tel qu'il existe dans notre pays où tout patient présentant un cancer bénéficie d'une prise en charge financière complète pour l'ensemble des soins.

Cancer Survivors Say Costs Keep Them From Care. NCI Cancer Bulletin February 10, 2009, Volume 6 / Number 3.

vendredi 6 mars 2009

Les étudiants en médecine de Harvard mettent en cause l'indépendance de leurs enseignants

Les étudiants de Harvard ont d'ores et déjà obtenu que leurs professeurs ou conférenciers présentent directement en classe les liens éventuels qu'ils entretiennent avec l'industrie, ce qui a permis de révéler que l'un d'entre eux avait des liens avec 47 sociétés...!
Pour Marcia Angell, enseignante à Harvard et ancienne rédactrice en chef du prestigieux New England Journal of Medicine, il y a incompatibilité absolue entre les objectifs de l'industrie et ceux de la recherche universitaire; pour elle, les liens ne doivent pas seulement être rendus publics mais purement et simplement interdits. Elle ajoute que si Harvard ne peut pas y arriver, qui alors en sera capable ?
Si ce débat n'est pas nouveau, on ne peut cependant qu'être surpris du fait que des étudiants se saisissent de ce problème ce qui témoigne d'une maturité certaine ... ainsi d'ailleurs que d'un sens pratique aigu, aucun d'entre eux ne voulant voir dévalorisé un diplôme chèrement acquis, à tous les sens du mot !

dimanche 1 mars 2009

Incidence et mortalité par cancer aux USA : les derniers chiffres.

Le rapport 2005 sur l'incidence et la mortalité par cancer aux USA vient de paraître. Il est le fruit de la mise en commun des données du CDC (*) d'Atlanta et du NCI(**) de Bethesda. Les données sont publiées par cancer, par sexe, par origine raciale et/ou géographique, par état et pour 6 grandes agglomérations.
Globalement, les résultats pour les 3 cancers les plus fréquents (taux pour 100 000 habitants) sont les suivants:
Chez les hommes
  • Prostate : incidence 142,4, mortalité 25,4

  • Poumon : 84,6; 69,4

  • Colon-rectum : 58,2 ; 21,0

Chez les femmes

  • Sein : 117,7 ; 24,0

  • Poumon : 55,2 ; 40,6

  • Colon-rectum : 41,9 ; 14,6
Plusieurs grandes constatations peuvent être extraites de ces chiffres:
  • Les cancers du poumon sont au second rang en incidence et au premier en mortalité chez les femmes

  • Les femmes blanches ont le taux d'incidence de cancers le plus élevé, mais ce sont les femmes noires qui présentent le plus fort taux de mortalité.

  • Les hommes de race indienne américaine y compris d'Alaska ont la plus faible incidence de cancers, la mortalité la plus faible étant retrouvée chez les asiatiques et les habitants des îles du Pacifique.

  • Les hommes noirs présentent un taux d'incidence très élevé de cancers prostatiques (210/100 000 pour une moyenne à 142), les hommes d'origine asiatique ou insulaire pacifique présentant le plus faible avec 72/100 000.
(*) CDC : Center for Disease Control (National Program of Cancer Registries, NPCR)
(**) NCI : National Cancer Institute (Surveillance, Epidemiology, and End Results, SEER)

lundi 23 février 2009

La coloscopie virtuelle ne sera pas remboursée par les assurances fédérales US

Les systèmes américains d'assurance publique Medicare et Medicaid ont décidé de ne pas prendre en charge ce qu'il est convenu d'appeler la "coloscopie virtuelle". Il s'agit en fait d'une colonographie scanner qui consiste à explorer l'intérieur du colon et du rectum en réalisant de multiples coupes scanner qui permettent ensuite une reconstruction en 3 dimensions de l'organe exploré. Cette exploration radiologique atraumatique est considérée par certains comme équivalente à l'examen endoscopique direct.
Cette décision de non prise en charge est motivée par le manque de certitude quand aux avantages apportés par la technique à l'échelle de la population compte tenu d'une fiabilité moins importante que celle de l'endoscopie et ce malgré son caractère nettement moins agressif pour le patient. Toutefois, le débat n'est pas clos dans la mesure où certains soutiennent fortement l'intérêt de la coloscopie virtuelle qui compte tenu de son acceptation plus facile par le public faciliterait les démarches de dépistage systématique, ce qui, au total, compenserait sa moins bonne performance diagnostique immédiate par rapport à l'endoscopie, tout au moins pour les polypes intestinaux de petite taille. D'ailleurs, certains assureurs privés américains ont déjà commencé à prendre en charge la coloscopie virtuelle réalisée dans le cadre d'un dépistage individuel. La majorité des gastro-entérologues qui pratiquent quasiment tous des endoscopies digestives supportent la décision des assureurs publics à l'argument central que toute anomalie vue lors de la coloscopie virtuelle nécessite la réalisation ultérieure d'une coloscopie classique.
Il s'agit là d'un sujet tout à fait important qui, avec d'autres du même type (scanner et cancer du poumon par exemple), soulève la question du choix optimal de la technique d'exploration lors des démarches systématiques de dépistage ou de diagnostic précoce. L'apparition régulière de nouvelles procédures d'exploration relance chaque fois le débat qui repose sur le rapport fiabilité/acceptabilité facteur essentiel de la performance diagnostique finale d'une démarche systématique de dépistage. Si l'on en juge par le taux, vraisemblablement faible bien que mal connu, de coloscopies systématiques réalisées en France, il ne paraît pas possible d'écarter a priori un geste diagnostique atraumatique plus facilement accepté, même si sa fiabilité n'est pas parfaite. Il est toutefois possible que l'amélioration de la performance des tests de recherche d'un saignement occulte dans les selles par la substitution du test au gaïac de type Hémoccult par des tests immunologiques voire demain des tests moléculaires diminue le nombre de faux-négatifs et rende ainsi inutile une étape intermédiaire avant la coloscopie. Encore faudra-t-il améliorer le taux de participation aux campagnes de dépistage (10 à 15% aujourd'hui) ainsi que le taux de coloscopies effectivement réalisées après un test Hémoccult positif qui n'est que de l'ordre de 50% !

mercredi 18 février 2009

Offre hospitalière: n'est pas la plus commerciale celle que l'on croit !

Il existe près de 5000 hôpitaux aux USA rangés dans la catégorie "community hospitals" correspondant peu ou prou aux hôpitaux français de court séjour classés dans la rubrique dite "MCO" pour médecine, chirurgie et obstétrique. Parmi ces 5000 hôpitaux, près de 3000 sont des hôpitaux privés à but non lucratif , 1100 dépendent des gouvernements locaux et un peu plus de 200 du gouvernement fédéral. Au total, seuls 900 établissements environ sont des établissements privés à but lucratif , soit moins de 20%.
En France, pour une population 5 fois moins importante, il existe environ 1800 établissements de court séjour, la moitié dans le secteur public, les autres se répartissant en 184 établissements privés à but non lucratif et 817 dans le secteur privé commercial, soit 45 % du total.
Ainsi, contrairement à une idée reçue largement répandue, le système hospitalier français est beaucoup plus "privé" au sens commercial du terme que le système américain dans lequel le secteur privé à but non lucratif est largement dominant.
Les comparaisons européennes ne font que confirmer cette situation particulière de la France qui la place en tête des pays européens tant en termes de nombre relatif d'hôpitaux de court séjour que du nombre d'établissements privés à finalité commerciale. Cette position originale des différents secteurs d'exercice est encore accentuée quand on la traduit en termes de capacité d'accueil et de type d'activité: en effet, le secteur privé à vocation commerciale s'il représente 45% des établissements de court séjour, ne propose que 20% des lits, tout en effectuant 60% de l'activité chirurgicale générale nationale.
Il est possible, voire probable, que cette distribution particulière des établissements et des activités de soins participe quelque part aux difficultés rencontrées par notre système de santé et notamment par l'hôpital public dont l'avenir fait aujourd'hui l'objet d'un débat parlementaire à l'occasion de la discussion de la loi dite HPST pour "Hôpital, patients, santé et territoires".

Les Hôpitaux dans les 27 pays de l'Union européenne. Cet ouvrage a été réalisé par Dexia avec la participation de la Fédération européenne des hôpitaux et des services de santé (HOPE).

lundi 16 février 2009

Medicare accepte de rembourser les chimiothérapies hors des recommandations de la FDA

Le système fédéral Medicare qui assure la prise en charge des frais médicaux pour les américains de plus de 65 ans et certains autres, plus jeunes, mais présentant des handicaps divers, a décidé en novembre 2008 d'élargir la prise en charge des médicaments anticancéreux y compris quand ils sont prescrits en dehors des indications retenues par la FDA. On peut considérer que cette décision équivaudrait quelque part chez nous à ce que notre Assurance Maladie décide de revenir sur une stratégie collectivement partagée à savoir de limiter les prescriptions prises en charge à celles qui ont été retenues lors de la délivrance de l'AMM (Autorisation de Mise sur le Marché). Il semble que cette décision ait été prise sous la pression de nombreux médecins désireux de faire bénéficier à leurs patients des médicaments les plus récents dont certains coûtent plus de 10 000 dollars par mois et ce en dehors même des indications pour lesquelles leur efficacité a été prouvée. L'argumentaire développé serait le "service" rendu au patient d'une part et d'autre part la possibilité d'évaluer l'efficacité de ces médicaments dans une grande variété de cancers. L'American Society of Clinical Oncology (ASCO), société savante représentant les cancérologues américains, a salué cette initiative du Medicare qui couvre désormais les principales indications hors labellisation officielle.
Les opposants à cette attitude soulignent que ces prescriptions conduisent à des dépenses majeures, entraînent des effets secondaires injustifiés pour les patients et soulèvent par ailleurs la question d'éventuels conflits d'intérêts dans la mesure où ces prescriptions étendues sont souvent défendues par les laboratoires pharmaceutiques eux-mêmes.
La plupart des experts prévoient que ces nouvelles dispositions, prises dans les derniers mois de l'administration Bush, vont augmenter significativement la facture à payer pour Medicare qui a atteint en 2007 pour les seuls médicaments anticancéreux la somme de 2,4 milliards de dollars. Par exemple, la gemcitabine (Gemzar) a été approuvée par la FDA dans seulement 4 indications, les nouvelles dispositions prises par Medicare étendant la possibilité de prescription à 12 autres cancers y compris les cancers du col utérin où son efficacité a été considérée jusqu'ici comme nulle. Il en est de même pour le bevacizumab (Avastin) un des médicaments anticancéreux aujourd'hui les plus coûteux dont la prescription deviendrait possible pour les cancers ovariens, rénaux voire les tumeurs cérébrales ! Ces dispositions prises par Medicare risquent par ailleurs d'être adoptées par les assureurs privés qui habituellement suivent les décisions de l'agence fédérale.
Quoiqu'il en soit, la prescription, en dehors de tout essai clinique, de "lignes " successives de chimiothérapie chez des patients porteurs de pathologies évolutives et n'en tirant pas de bénéfice objectif, ne constitue pas une attitude médicale correcte ni vis à vis du patient lui-même ni vis à vis de la collectivité qui n'a pas à supporter la charge financière très élevée de ces molécules utilisées dans ce cas comme "adjuvants" à une relation médecin-malade devenue difficile.

jeudi 12 février 2009

Les fabriquants de matériels médicaux décrètent le couvre-feu !

En prévision du prochain congrès de la société américaine d'orthopédie qui doit se tenir fin février à Las Vegas, la compagnie Smith & Nephew a demandé à ses commerciaux de ne rencontrer aucun médecin congressiste en dehors des heures "de travail" et notamment d'éviter tout contact après 5 heures ! Ces instructions quelque peu surprenantes sont en fait une des conséquences pratiques des multiples procédures judiciaires et administratives en cours aux USA explorant les liens parfois trop étroits qui existent entre les fabriquants de matériels médicaux et ceux qui les utilisent dans leur pratique médicale quotidienne.
L'instruction législative visant à améliorer la transparence des relations entre industriels et praticiens, connue sous le nom de "Physician Payments Sunshine Act", est fortement réactivée par les parlementaires, pendant que le Département de la Justice a mis sous surveillance les plus gros fabriquants américains de prothèses orthopédiques, après avoir fait de même pour d'autres comme, par exemple, ceux qui fabriquent des "pace-makers"(*) ou des "stents" (**) coronariens.
De façon plus générale, il semble qu'un tournant soit survenu au cours des derniers mois, la plupart des industriels de santé, y compris les laboratoires pharmaceutiques, ayant déclaré être favorables à une meilleure transparence dans les relations qu'ils entretiennent avec les prescripteurs. De leur côté, les pouvoirs publics renforcent leur contrôle comme par exemple l'état du Massachusetts qui oblige les industriels à déclarer depuis l'été dernier toute rémunération à un médecin supérieure à 50 dollars.
Il est tout à fait probable que ces nouvelles pratiques vont largement diffuser hors des USA, la plupart de ces groupes industriels étant de structure multinationale. En France, il existe de multiples dispositions législatives et réglementaires encadrant les relations financières entre industriels et praticiens, sans qu'il soit toujours possible d'être sûr qu'elles sont effectivement respectées par tous et qu'il existe des moyens de contrôle complètement opérationnels. Le fait que les industriels eux-mêmes se fixent des limites constituera sans nul doute un levier puissant d'amélioration de la transparence globale. Il faudra toutefois veiller à ce que le balancier n'aille pas trop loin dans l'autre sens au risque de geler les relations entre industriels, concepteurs et prescripteurs, ce qui au total serait préjudiciable au progrès médical.
(*) Un "pace-maker" est un stimulateur cardiaque implanté sous la peau du patient qui envoie au coeur par l'intermédiaire d'électrodes une impulsion électrique suffisante pour assurer sa contraction, ce qui permet d'assurer un rythme cardiaque régulier.
(**) Le "stent" ou endoprothèse est un dispositif métallique introduit dans une cavité anatomique pour la maintenir ouverte. Il est le plus souvent métallique et ressemble à un ressort capable de maintenir le calibre d'artères (angioplastie), notamment coronaires, mais aussi des canaux biliaires, de l'urètre, etc.

lundi 9 février 2009

Convivialité et sécurité font bon ménage dans les blocs opératoires

On peut lire sur le site internet du New England Journal of Medicine (NEJM) un article paru le 14 janvier 2009 consacré aux effets de l'utilisation d'une "checklist" de sécurité dans les blocs opératoires de 8 hôpitaux disséminés dans le monde. Il s'agit en fait d'une adaptation des recommandations de l'OMS sous la forme d'une liste de 19 questions dont l'utilisation systématique pendant un an a entraîné une baisse de 40% du taux de décès per et péri-opératoires et d'environ un tiers de celui des complications.
Les initiateurs de cette étude, membres de l'École de Santé Publique d'Harvard, indiquent qu'il est difficile d'établir une hiérarchie au sein des différents items de la liste qui, parmi des points techniques classiques, comportent des éléments aussi triviaux que la nécessité pour les membres de l'équipe de se présenter les uns aux autres et de préciser leurs rôles respectifs. Plusieurs études ont en effet montré que bon nombre d'incidents ou d'accidents opératoires provenaient de difficultés de communication entre les membres de l'équipe comme cela est bien connu dans un autre domaine assez comparable, l'aéronautique. Sur les 7688 patients inclus dans cette étude internationale, environ la moitié avaient été opérés avant que cette liste de questions préalables soit mise en place, l'autre moitié après. La comparaison entre ces deux groupes de patients montre que le taux de mortalité est passé de 1,5 à 0,8 % et le taux de complications de 11 à 7%. Les auteurs insistent à juste titre sur l'efficacité de la démarche et sur son faible coût de mise en oeuvre ce qui devrait faciliter sa large diffusion dans tous les blocs opératoires.

Publié sur le site http://www.nejm.org/, le 14 janvier 2009 : A Surgical Safety Checklist to Reduce Morbidity and Mortality in a Global Population. Alex B. Haynes et les membres du Safe Surgery Saves Lives Study Group

jeudi 5 février 2009

Un contre-temps pour le projet de réforme du système de santé US

Le sénateur démocrate Tom Daschle a démissionné de son poste de Secrétaire à la santé de l'administration Obama pour avoir "omis" de payer des taxes pendant plusieurs années. Si l'on en croit la presse américaine, le sénateur n'a pas honoré pendant 3 ans la fiscalité relative à l'utilisation d'une voiture et d'un chauffeur mis gracieusement à sa disposition par une société financière dont il était président du conseil de surveillance. Cette dette fiscale et ses majorations se monteraient à 140 000 dollars, auraient été connues de l'intéressé dès juin 2008, n'auraient pas été portés à la connaissance du président-élu et n'auraient été régularisées qu'après sa nomination comme Secrétaire à la Santé. Ces éléments, apparemment admis par Mr. Daschle, ont été considérés comme suffisants pour justifier sa démission. Par ailleurs, d'aucuns s'interrogent sur la compatibilité entre les 300 000 dollars perçus par Mr Daschle de la part de plusieurs sociétés ayant des activités sanitaires et la fonction de Secrétaire à la Santé.
La situation était devenue d'autant plus délicate que les taxes prélevées lors de l'utilisation d'un véhicule sont destinées à participer au financement du Medicare, système fédéral d'assurance maladie au bénéfice des plus de 65 ans. La question est maintenant de savoir si le président va pouvoir trouver un remplaçant aussi investi dans le projet de réforme du système de santé que Tom Daschle dont le candidat Obama voulait faire le "tsar" de la santé...

mercredi 4 février 2009

De l'utilisation des téléphones mobiles dans les hôpitaux

Le Ministère anglais de la Santé vient de rendre publiques de nouvelles recommandations sur l'utilisation des téléphones portables dans les hôpitaux. Globalement, l'objectif est de faciliter leur utilisation par les patients, le personnel et les visiteurs à la condition qu'ils n'entraînent pas de désagréments pour les autres ou qu'ils ne provoquent pas le dysfonctionnement de certains appareils médicaux sensibles. A ce propos, les autorités anglaises demandent à ce que les zones où de tels appareillages sont installés soient signalées et que les téléphones portables y soient effectivement interdits. Cette limitation est toutefois en contradiction avec l'étude publiée en mars 2006 dans la revue Mayo Clinic Proceedings qui, au terme d'une enquête de 5 mois ayant comporté plus de 300 tests utilisant 2 types de mobiles et 192 appareillages médicaux, avait conclut à l'absence totale d'interférence nuisible.
Et en France, où en sommes nous ? La règle officielle est à l'interdiction totale de l'usage des téléphones portables dans l'enceinte des hôpitaux et ce depuis une circulaire de 1995 qui indiquait que la responsabilité des chefs d'établissements serait engagée si un patient subissait un préjudice en raison du dysfonctionnement d'un appareil médical causé par l'usage d'un téléphone mobile... ! Cette interdiction totale, dont il est commun de constater qu'elle est allègrement transgressé y compris par les personnels hospitaliers, participe du principe de précaution dont on voit ici les limites pratiques. Déjà, en 2003, le Comité d'Evaluation et de Diffusion des Innovations Technologiques (CEDIT) de l'AP-HP (*) avait proposé que seules certaines zones où la concentration de matériel médical électrique et électronique est particulièrement importante (réanimation, néonatalogie,...) soient interdites aux téléphones mobiles en tension.
Aujourd'hui, les portes d'entrée et les halls d'accueil des hôpitaux français sont toujours bardés de panneaux et de pictogrammes interdisant l'utilisation des téléphones mobiles dès que l'on pénètre dans l'établissement. Certains les respectent, avec les inconvénients multiples que cela entraîne, d'autres les négligent ou ne les remarquent même plus tellement l'utilisation de ces appareils est devenue banale. Il serait temps de réactualiser les consignes pour sortir de l'ambiguïté actuelle qui ne garantit ni la sécurité complète de tous les patients ni la tranquillité de leurs relations téléphoniques. N'oublions pas cependant que ces précieux appareils constituent de très jolis nids à bactéries, dont les staphylocoques multirésistants, sources d'infections nosocomiales multiples, et que leur désinfection risque de compromettre sérieusement leur bon fonctionnement. Il vaut mieux alors choisir de se laver les mains après avoir téléphoné...au moins dans les hôpitaux !
(*) AP-HP : Assistance Publique - Hôpitaux de Paris

lundi 2 février 2009

"U turn" pour le système de santé US ?

Dès le lendemain de la prise de fonction de Barack H. Obama, tous les lobbies concernés par l'évolution du système de santé américain y sont allés de leur déclaration favorable ou défavorable au projet de réforme tel qu'il a été esquissé durant la campagne. Parmi les acteurs influents, le Commonwealth Fund, puissante fondation privée oeuvrant pour l'amélioration de la santé aux USA, considère que le temps est effectivement venu pour une réorientation complète et rapide du système de santé US décrit comme fragmenté, dysfonctionnel et très coûteux, la sévérité de la crise économique actuelle ne faisant que renforcer cette nécessité, sentiment d'ailleurs partagé par une grande majorité d'américains.
Quatre axes prioritaires sont suggérés par le Commonwealth Fund:
  • la création d'une couverture santé universelle permettant un accès correct aux soins, quelque soit l'âge et le statut socio-professionnel des patients.

  • la réorganisation de l'offre de soins en réduisant sa fragmentation actuelle par la création de systèmes coopératifs coordonnés utilisant largement les moyens informatiques de gestion de l'information médicale.

  • la réforme du système de paiement des soins en s'éloignant du système actuel de paiement à l'acte au profit d'une forfaitisation totale ou partielle par patient, permettant aux yeux des experts de cette fondation de faire des économies substantielles tout en rééquilibrant les sommes allouées entre la médecine spécialisée et celle consacrée au premier recours et à la prévention.

  • le pilotage gouvernemental considéré comme indispensable au succès de la réforme dans la mesure où l'autorité fédérale est seule capable d'inciter les différents offreurs de soins à coopérer.

Les mêmes experts ajoutent que la couverture santé universelle ne doit pas attendre que l'offre de soins soit complètement réorganisée, mais qu'il est toutefois nécessaire que sa mise en place soit accompagnée d'une stratégie déterminée d'amélioration de la qualité et de l'efficience de l'ensemble du système. Au total, ces recommandations sont très éloignées de la philosophie économique libérale qui sous tendait jusqu'ici l'organisation sanitaire américaine. Si la réforme prend ce visage, le système de santé US va progressivement ressembler au nôtre sauf pour ce qui est du paiement à l'acte qui reste la règle chez nous tant pour ce qui est du secteur privé, où il est historique, que du secteur hospitalier public, depuis l'introduction de la tarification à l'activité. Le projet de loi "Hôpital, patients, santé et territoires" qui va venir prochainement en discussion à l'Assemblée Nationale n'aborde pas ce sujet ..., qu'il faudra à l'évidence faire évoluer dans un avenir proche.

mercredi 28 janvier 2009

Confirmation de l'augmentation spontanée de l'incidence des mélanomes malins.

Pour expliquer l'augmentation d'incidence de certains cancers, il existe souvent un débat sur la part respective qui revient au diagnostic précoce, et plus généralement à une meilleure attention médicale, d'une part et d'autre part à une augmentation effective de l'incidence spontanée. Dans un étude récente, une équipe de dermatologues de Stanford (Californie) publie, à partir des données collectées dans le programme américain SEER (Surveillance Epidemiology and End Results), des résultats qui montrent une augmentation d'incidence des mélanomes malins au rythme de 3,1% par an entre 1992 et 2004. Cette augmentation semble particulièrement marquée chez les hommes âgés et concerne tous les types de mélanome et toutes les épaisseurs de tumeurs, en sachant que ce dernier élément est un critère pronostique majeur.
Le fait que cette augmentation concerne aussi bien les hommes que les femmes et qu'elle touche toutes les classes socio-économiques est en faveur d'un réel accroissement d'incidence et non pas du simple effet d'une attention diagnostique plus soutenue. Par ailleurs, la même étude montre que l'épaisseur moyennes des lésions diagnostiquées est plus importante chez les patients issus d'une classe sociale défavorisée avec comme conséquence un plus mauvais pronostic que pour les patients mieux lotis.
Il existe donc bien une augmentation spontanée de l'incidence des mélanomes malins aux USA, ce qui est d'ailleurs aussi le cas dans d'autres pays y compris la France. Les auteurs de l'étude plaident en faveur d'une meilleure éducation du public pour le sensibiliser d'une part aux méfaits cutanés de l'exposition solaire excessive et d'autre part à l'utilité de l'auto-surveillance cutanée y compris chez les personnes âgées.

Increasing Burden of Melanoma in the United States. Eleni Linos, Susan M Swetter, Myles G Cockburn, Graham A Colditz and Christina A Clarke. Journal of Investigative Dermatology, advance online publication, 8 January 2009.

lundi 26 janvier 2009

Le médecin généraliste de premier recours : nouvelle version législative

Dans un article de ce blog, daté du 1er octobre dernier, j'exprimais des doutes quant à la pertinence de certaines expressions contenues dans l'avant-projet de loi "Hôpital, patients, santé et territoires" notamment celles décrivant le rôle du médecin généraliste. La lecture du texte du projet de loi tel qu'il a été transmis à la Commission des Affaires Culturelles de l'Assemblée Nationale aux fins d'examen avant discussion en séance, montre que l'expression "affection courante" a opportunément disparu dans la définition des missions incombant au "médecin généraliste de premier recours".
Du coup la lecture de l'article 14 du projet de loi, prévu pour devenir l'article L.4310-1 du Code de la Santé Publique, stipule que le médecin généraliste, dit de premier recours, doit "assurer pour ses patients, la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des maladies ..." c'est à dire en fait continuer à faire son métier en prenant en charge, pour tout ou partie, des patients présentant des maladies qui sont le plus souvent courantes mais qui parfois le sont moins voire pas du tout.
Il lui incombe par ailleurs la mission "d'orienter ses patients, selon leurs besoins, dans le système de soins et le secteur médico-social", de "s’assurer que la coordination des soins nécessaire à ses patients est effective" et d'effectuer "la synthèse des informations transmises par les différents professionnels de santé", ... entre autres activités comme le suivi des maladies chroniques ou la participation aux actions de prévention et de dépistage, sans oublier bien sûr la permanence des soins !
Il paraît probable que toutes ces missions ne pourront pas être effectivement et/ou correctement remplies par un seul homme (ou, de plus en plus souvent, une seule femme) et qu'il est donc urgent de repenser la contribution des différents professionnels de santé à ce qu'il est convenu d'appeler "le premier recours"; dans le même temps, le rôle décisif dans l'organisation des soins que constitue le premier contact du patient avec un professionnel de santé mérite d'être substantiellement revalorisé, à la hauteur de ce que le législateur attend de lui.

samedi 24 janvier 2009

La FDA dans la tourmente (suite)

Un nouveau rapport du Congrès américain, publié le 13 janvier 2009, porte de sévères critiques sur le fonctionnement de la Federal Drug Administration (FDA), cette fois au sujet des dispositifs médicaux autres que les médicaments. Les parlementaires considèrent globalement que bon nombre des dispositifs médicaux techniques mis sur le marché n'ont jamais démontré qu'ils étaient sûrs et efficaces y compris pour ceux qui comportent le plus de risques pour les patients.
Il s'agit là d'un problème ancien ayant déjà donné lieu à de multiples critiques (voir dans ce blog) mais qui nécessite aujourd'hui des solutions rapides probablement facilitées par le changement d'administration et la fin des fonctions du Dr. Andrew C. von Eschenbach, "commissioner of the FDA".
L'enquête du Congrès fait suite à un courrier collectif de scientifiques de la FDA critiquant vertement les pratiques d'agrément en vigueur notamment pour les matériels médicaux qui font le plus souvent l'objet de procédures dites "rapides" comportant un minimum de tests, à l'argument qu'il s'agit habituellement de simples évolutions de matériels déjà existants. En fait, ces procédures sont choisies en grande partie sous la pression des industriels, ce qui peut conduire à considérer "qu'une Ferrari n'est jamais qu'une voiture et que par conséquent si la Ford modèle T a été testée et mise sur le marché en son temps, la Ferrari ne nécessite pas d'expertise approfondie supplémentaire", comme le fait remarquer avec humour un médecin cité par le New York Times. Ceci permet ensuite aux industriels de convaincre leurs clients qu'ils auraient tort de se priver d'une Ferrari alors qu'ils sont titulaires du permis de conduire.
Depuis sa création en 1976, la FDA classe les dispositifs médicaux en trois catégories, de complexité et de dangerosité croissantes ; c'est bien entendu les matériels de classe III qui posent l'essentiel des problèmes, le rapport du congrès demandant qu'ils soient chaque fois considérés comme des matériels nouveaux et non pas comme de simples évolutions de dispositifs préexistants, comme d'ailleurs la FDA s'y était engagée à le faire...en 1995.
Il apparaît manifestement qu'au cours des 8 années d'administration Bush, le poids de l'industrie des produits de santé à lourdement pesé sur les décisions de la FDA, créant un conflit de plus en plus aigu entre les experts scientifiques et les responsables administratifs décidant des agréments. Toutefois, ces difficultés ne sont pas réservées aux USA, même si une très grande partie des innovations techniques, réelles ou non, y naissent avant de diffuser dans le monde entier. La complexité croissante des matériels, l'augmentation de leurs coûts d'acquisition, de mise en oeuvre et de maintenance, le raccourcissement de leur durée de vie, concourent à faire sans cesse croître les charges qui résultent de leur utilisation sans qu'il soit toujours possible d'être sûr qu'ils apportent une plus-value sanitaire indiscutable voire qu'ils ne comportent pas des risques supplémentaires. Il paraît de plus en plus nécessaire de trouver le juste équilibre entre le respect des impératifs économiques de l'industrie et la nécessité légitime de la démonstration claire d'une innovation effective et sécurisée.

mercredi 21 janvier 2009

La chimiothérapie ambulatoire n'est pas sans risques.

La grande majorité des traitements cancérologiques médicamenteux sont aujourd'hui réalisés chez des patients qui ne sont pas hospitalisés de façon continue. Ce type de prise en charge, qui alterne venues en service de jour ou en hospitalisation courte et séjours à domicile entre les cycles de chimiothérapie, est réputé aussi sûr que si la totalité du traitement était réalisé en hospitalisation continue. En outre, le souhait des patients en faveur d'hospitalisations aussi courtes que possible a conduit progressivement à délivrer des traitements de plus en plus complexes, et souvent de plus en plus toxiques, sur cette base dite "ambulatoire" et en tout cas alternative à l'hospitalisation continue classique.
Quatre services d'oncologie nord-américains, 3 d'adultes et 1 d'enfants, ont mis en commun leurs dossiers pour mesurer le taux d'erreurs médicamenteuses engendré par ce type de prise en charge. Les résultats publiés dans le Journal of Clinical Oncology on-line, montrent qu'il existe un nombre substantiel d'erreurs allant de 7% pour les patients adultes à près de 19% pour les enfants. Au total, sur les 112 erreurs relevées, 64 ont été considérées comme potentiellement dangereuses et 15 ont effectivement été suivies d'effets indésirables graves. Les erreurs constatées sont nettement plus fréquentes lors de l'administration des médicaments à domicile (de 0 à 14,5%) que quand ils sont délivrés au décours d'une hospitalisation, le plus souvent d'une journée (de 0,3 à 5,8%).
La cause la plus fréquente de ces erreurs semble résider dans les différences existant entre le protocole de traitement initial, défini lors du diagnostic, et la prescription faite à chaque cycle de traitement qui dépend alors de l'état clinique du patient et de ses résultats biologiques immédiats. La coexistence de ces deux documents, valant tous deux prescription, explique l'essentiel des erreurs d'administration et fait recommander aux auteurs de cette étude une amélioration de la relation entre tous les acteurs de soins ainsi qu'une éducation spécifique du patient.
S'il n'est pas question de revenir sur la tendance lourde en faveur de l'externalisation de traitements de plus en plus complexes et potentiellement toxiques, qui auraient justifié sans hésitation une hospitalisation continue classique il y a 10 ou 20 ans, force est de constater que cette prise en charge discontinue comporte des risques. En effet, l'essentiel des effets toxiques des médicaments utilisés en chimiothérapie se révèlent plusieurs jours après leur administration alors que le patient est à son domicile, son retour en hospitalisation, le plus souvent dite "de jour" correspondant à la phase de récupération. Si l'on y ajoute les erreurs lors de l'administration des médicaments qui doivent être pris à domicile, comme cela est mis en évidence dans cette étude, il apparaît clairement que la chimiothérapie dite "ambulatoire" constitue une situation problématique qui mérite de s'assurer que tous les acteurs concernés y compris le patient lui-même sont au fait des risques potentiels encourus, même si le confort du patient s'en trouve amélioré et le coût pour la collectivité allégé.

Medication Errors Among Adults and Children With Cancer in the Outpatient Setting. Kathleen E. Walsh,* Katherine S. Dodd, Kala Seetharaman, Douglas W. Roblin, Lisa J. Herrinton, Ann Von Worley, G. Naheed Usmani, David Baer, and Jerry H. Gurwitz. Journal of Clinical Oncology online, December 29, 2008.

lundi 19 janvier 2009

Publication scientifique et conflit d'intérêts: une affaire exemplaire.

Un des plus prestigieux journaux médicaux au monde, le New England Journal of Medicine (NEJM), a été sanctionné par le conseil américain de la formation médicale continue pour avoir omis de signaler les liens financiers qui existaient entre les auteurs d'un de ses articles et des industriels. L'affaire remonte au 26 octobre 2006, date à laquelle le NEJM fait paraître un article consacré à l'utilisation extensive du scanner thoracique chez les fumeurs et les anciens fumeurs tendant à démontrer qu'il était ainsi possible de faire le diagnostic précoce de cancers bronchiques alors curables dans 80% des cas. Cette étude appelée "I-ELCAP regimen" (International Early Lung Cancer Action Program) a été conduite par Claudia I. Henschke du Weill Cornell Medical College de New-York.
Le conflit d'intérêt a été révélé par un autre journal, The Cancer Letter, qui a indiqué que les auteurs de l'article étaient détenteurs de brevets couvrant la méthodologie diagnostique décrite, recevaient des royalties de la part des industriels de la radiologie, General Electric en l'occurrence, et qu'enfin le programme bénéficiait de contrats de recherche (3,6 millions de dollars) venant d'un groupe dont la compagnie Liggett Tobacco Group était une filiale !
Cette révélation a d'abord été démentie par le NEJM, alors que dans le même temps une autre publication prestigieuse, le JAMA (Journal of American Medical Association) publiait la liste exhaustive des liens commerciaux existant entre les responsables de cette étude et l'industrie.
Il semble que ces liens étaient en fait connus des responsables éditoriaux du NEJM et qu'ils aient décidé de ne pas en informer leurs lecteurs. En conséquence, la structure chargée de délivrer les accréditations pour la formation médicale continue a retiré au NEJM sa capacité à permettre à ses lecteurs d'acquérir des crédits de formation. Dans une lettre toute récente, l'éditeur en chef du NEJM a indiqué que la procédure de déclaration des conflits d'intérêts potentiels allait être revue où plus exactement complètement appliquée puisqu'elle figure déjà dans le règlement éditorial du NEJM.
Cette affaire n'est pas la première à mettre en évidence les relations parfois ambiguës entre les scientifiques et les industriels. Celle-ci est toutefois emblématique dans la mesure où elle concerne un journal médical de tout premier plan constituant une référence mondialement reconnue. Déjà, il y a quelques années, un éditeur en chef du NEJM avait renoncé à son poste, estimant qu'il n'était pas en mesure de publier dans tous les cas des informations exemptes de toute compromission avec des intérêts commerciaux. On voit que le mal persiste, même au sommet de la presse médicale et scientifique, ce qui ne laisse pas d'inquiéter pour ce qui peut se passer aux "étages inférieurs" ... Le plus grave, c'est que les résultats de cette étude sont vraisemblablement dignes d'être pris en compte, mais que le climat de suspicion qui entoure leur publication risque d'empêcher d'en tirer toutes les conséquences pratiques au bénéfice des patients.

vendredi 16 janvier 2009

Doit-on dire à un patient qu'il serait mieux traité ailleurs ?

La relation médecin-malade, marronnier de l'éthique médicale, est essentiellement fondée sur la confiance et l'autonomie. L'autonomie, c'est à dire la capacité à décider par et pour soi-même, la confiance, traduite par la décision de confier sa santé et parfois sa vie à son interlocuteur. Ces deux dimensions relationnelles, fréquemment influencées par de multiples paramètres dont bon nombre sont subjectifs voire irrationnels, n'en nécessitent pas moins une information pertinente pour que le patient puisse effectivement jouir d'un niveau suffisant d'autonomie et que la confiance qu'il donne soit correctement éclairée.
Dans ce cadre, la question se pose de savoir s'il faut révéler au patient qu'il serait mieux traité ailleurs que dans l'endroit où il a jusqu'ici choisi d'être pris en charge. Un certain nombre de contentieux judiciaires, tous anglo-saxons, ont tourné autour de cette question avec parfois des mises en cause de médecins ayant insuffisamment informé leurs patients des écarts qualitatifs de prise en charge entre divers lieux de traitement.
La revue PLoS Medicine a publié en octobre dernier un article sur le sujet, suivi d'un débat contradictoire entre plusieurs praticiens. Les auteurs de l'article plaident en faveur d'une information complète du patient y compris sur les éventuelles différences de performance entre les hôpitaux. L'indicateur retenu est celui du nombre de patients traités pour une pathologie donnée voire une technique thérapeutique précise. De fait, de nombreuses études ont montré que, au moins pour la chirurgie notamment cancérologique, les équipes qui avaient la pratique la plus soutenue d'une procédure thérapeutique donnée avaient également les meilleurs résultats tant en termes de taux de complications que de contrôle de la maladie. C'est d'ailleurs cette notion qui a inspiré les seuils minima d'activité établis il y a quelques mois par l'Institut National du Cancer français pour autoriser le traitement des patients porteurs de cancer. Il faut toutefois remarquer que le seul indicateur opératoire quantitatif ne résume pas la qualité de la prise en charge qui est également fonction de son environnement anesthésique, infirmier et, dans le cas particulier, cancérologique pluridisciplinaire .
Dans le débat qui accompagne l'article paru dans PLoS, plusieurs contradicteurs font valoir les obstacles qu'il y a à donner ce genre d'information aux patients ; tout d'abord, les éléments de comparaison entre les établissements sont bien entendu discutables, ne serait-ce que parce qu'ils peuvent porter sur des populations différentes de patients par exemple en termes d'âge moyen et de pathologies associées. En outre, les données statistiques ne résolvent qu'imparfaitement l'équation individuelle personnelle, laissant une place importante à d'autres considérations comme par exemple la proximité géographique ou la facilité d'accès. Par ailleurs, ce type de démarche soulève un problème éthique pour le praticien amené à porter un jugement de valeur sur lui-même ou sur son propre établissement autant que sur celui de ses confrères.
On voit donc que cette question est loin d'avoir une réponse univoque alors que dans le même temps la pratique quotidienne démontre sans ambiguïté les écarts qualitatifs de prise en charge qui peuvent exister entre les lieux de soins, y compris en France qui est probablement un des pays au monde où l'homogénéité qualitative de la médecine est la plus élevée. Si la publication des volumes d'activité constitue une première étape d'aide à la décision pour un patient, encore faut-il que cette information soit facilement accessible, raisonnablement fiable et complétée d'autres indicateurs dont la compilation peut conduire à un "faisceau de présomptions" favorables ou défavorables. En France, les seuils d'activité en cancérologie, la publication des rapports d'accréditation par l'HAS , les scores divers comme ceux concernant les infections nosocomiales (ICALIN) nous rapprochent peu à peu d'une meilleure lisibilité de l'efficience des équipes de soins. Dans l'attente, l'orientation d'un patient dépendra encore pendant longtemps de sa propre subjectivité, largement influencée par ce qu'il entendra de la part de ses interlocuteurs médicaux initiaux.

lundi 12 janvier 2009

Erreurs médicales létales : que penser des chiffres donnés à la presse ?

Les erreurs médicales ont fait l'objet récemment d'une nouvelle exposition médiatique à l'occasion d'épisodes malheureux survenus à la fin de l'année 2008 mises sur le compte de dysfonctionnements hospitaliers. Au sein de l'efflorescence de prises de position, d'accusations et de démentis, un chiffre a fait les gros titres de la presse : "il y aurait en France 10 000 décès par an dus à des erreurs médicales" qui elles-mêmes se chiffreraient par plusieurs centaines de milliers. Cette déclaration, faite par de hauts responsables de la structure sanitaire nationale, a été considérée comme fiable par d'autres qui se sont réclamés d'études de référence, notamment nord-américaines.
Il existe effectivement, aux USA, un très grand nombre de données chiffrées tentant chacune d'apprécier le nombre d'erreurs médicales et notamment de celles susceptibles d'avoir entraîné le décès du patient. L'étude la plus connue est celle publiée en 1999 par l'Institute of Medicine (IOM) estimant entre 44 000 et 98 000 le nombre annuel de décès résultant d'une erreur médicale. Bien que sa méthodologie ait été très critiquée par la communauté médicale et scientifique, cette étude reste un élément de référence et constitue probablement une estimation minimale compte tenu du manque d'informations concernant les incidents survenant en dehors des structures hospitalières et qui concernent alors principalement les erreurs portant sur les médicaments. L'Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ) qui dépend du ministère US de la santé, consacre une part importante de ses travaux aux différents incidents médicaux dont il apparaît clairement qu'ils sont très majoritairement le résultat de dysfonctionnements systémiques et marginalement de fautes individuelles caractérisées. Il s'agit donc bien souvent non pas d'erreurs "médicales" mais plutôt d'erreurs "hospitalières", ce qui sans exonèrer en aucune façon les soignants de leur responsabilité, relativise quelque peu l'individualisation par trop fréquente des reproches voire des poursuites. Par ailleurs, environ trois quarts des erreurs médicales apparaissent comme évitables à la relecture des dossiers ce qui plaide en faveur d'une démarche préventive active.
Quoiqu'il en soit, tous les spécialistes de la gestion des risques s'accordent pour dire qu'il n'est pas possible de mettre en oeuvre des mécanismes correctifs sans auparavant disposer d'un système fiable de recueil systématique des incidents. Cette démarche déclarative doit concerner tous les acteurs d'une structure hospitalière, y compris les non soignants, nécessite d'être clairement soutenue par la direction et doit être exempte de tout relent inquisitorial pour qu'elle puisse espérer l'exhaustivité.
A ce propos, on peut signaler les résultats d'une enquête récemment publiée (*) sur les systèmes de gestion des risques mis en place dans les hôpitaux américains. Il en ressort que, parmi les 1600 établissements ayant répondu, la majorité d'entre eux n'ont pas mis en place de système efficace de recueil des incidents et que seule une faible proportion (environ 20%) ont une véritable culture de la gestion des risques, c'est à dire une stratégie d'encouragement à la déclaration des incidents et de diffusion rapide des rapports et des solutions apportées. Les résultats de cette enquête nationale réalisée en 2006 à la suite du Patient Safety and Quality Improvement Act pris en 2005 (PSQIA) laissent penser que les données actuellement connues sur l'impact des erreurs médicales aux USA sont probablement sous estimées. De ce fait, "l'estimation" française de 10 000 décès secondaires à une erreur médicale dans les seuls hôpitaux, fruit pour l'essentiel d'une règle de trois à partir des chiffres américains, est très vraisemblablement fausse, possiblement par défaut si l'on en juge par le manque d'exhaustivité du recueil des incidents médicaux graves aux USA. Il serait peut-être plus judicieux, plutôt que d'effrayer la population en publiant des chiffres non vérifiés car non vérifiables, de faire en sorte que les institutions de soins poursuivent et amplifient le développement d'une culture de la gestion des risques, ce qui, au passage, suppose de disposer de quelques moyens supplémentaires...

(*) Adverse-event-reporting practices by US hospitals: results of a national survey. Farley DO, Haviland A, Champagne S, Jain AK, Battles JB, Munier WB, Loeb JM. Qual Saf Health Care. 2008;17:416-423.

samedi 10 janvier 2009

L'obésité pèse aussi sur les cancers

Une étude réalisée par une équipe du National Cancer Institute a été consacrée à l'impact de l'obésité sur le risque de survenue d'un cancer de l'ovaire. Les résultats à paraître dans le prochain numéro de la revue américaine Cancer sont en faveur d'une augmentation du risque de cancer de l'ovaire chez les femmes obèses et notamment chez celles qui n'ont reçu aucun traitement substitutif de la ménopause, où le risque est alors presque doublé par rapport à la population féminine non obèse. Ces résultats sont intéressants car ils portent sur un groupe de 95 000 femmes âgées de 51 à 70 ans, suivies pendant 7 ans. Les explications de ces écarts d'incidence font débat avec très probablement une interférence hormonale et en particulier un trouble du métabolisme des oestrogènes au sein de la masse graisseuse.
Quoiqu'il en soit, cette étude vient s'ajouter à d'autres qui montrent clairement que les deux grandes situations actuelles et futures contribuant à l'augmentation de l'incidence des cancers sont le tabagisme et l'obésité. Si le premier facteur s'est sensiblement réduit dans les pays occidentaux alors qu'il croît de façon massive dans les autres, le second est par contre en augmentation régulière et massive dans l'ensemble des pays y compris ceux qualifiés d'émergents.
Au-delà du constat épidémiologique, il apparaît évident que les pratiques diagnostiques et thérapeutiques devront s'adapter au morphotype de ces patients en surpoids important qui deviennent de plus en plus nombreux, y compris en France. Ainsi, les techniques chirurgicales, les performances balistiques de la radiothérapie, le calcul des doses des médicaments de chimiothérapie, entre autres, sont clairement modifiés par l'obésité des patients. Au total, le surpoids majeur constitue en cancérologie un double facteur de risque d'une part en augmentant l'incidence de certains cancers (sein, utérus, colon, ovaire,...) et d'autre part en réduisant la performance thérapeutique globale ou en aggravant les effets secondaires des différents traitements.
Si l'on ajoute ces conséquences à celles déjà largement connues qui portent sur la situation métabolique (diabète), la dégradation ostéoarticulaire et la surcharge cardiovasculaire, on voit que le développement quasi-épidémique de l'obésité dans nos pays constitue une préoccupation majeure de santé publique susceptible de casser la tendance à l'augmentation régulière de la longévité spontanée tout en alourdissant la charge financière collective consacrée à la santé et aux soins.

jeudi 8 janvier 2009

Le projet de réforme du système de santé US se heurte déjà au lobby des assurances privées

La préparation de la grande réforme du système de santé, promise par le président-élu Barak Obama, passe, entre autres, par la tenue de "house parties" au cours desquelles un groupe de citoyens se réunit chez l'un d'entre eux ( le plus souvent un supporter démocrate, bien sûr) pour échanger sur le sujet et faire remonter ensuite les idées qui ressortent du débat. Cette approche, qui n'est pas sans rappeler celle du "débat participatif" introduit dans notre pays lors de la dernière campagne présidentielle, parait tout à fait adaptée à ce type de sujet universel bien que parfois très technique.
Quoiqu'il en soit ces réunions, au nombre de plusieurs milliers au cours du seul mois de décembre, sont suivies de très près par l'ensemble des acteurs de la santé, y compris les assureurs et les industriels de la pharmacie, qui incitent leurs affiliés et/ou leurs employés à y participer. De ce fait, bon nombre de ces "living-room meetings" accueillent des participants inattendus et tournent parfois à des séances de lobbying industriel. En effet, les assureurs se mobilisent pour combattre une des dispositions centrales du plan de Barack Obama, à savoir la création d'un nouveau système public d'assurance maladie en partie financé par le redéploiement des sommes que perçoivent les assureurs privés lors de la prise en charge complète des patients affiliés au Medicare (au-delà de 65 ans pour l'essentiel). Ces versements d'agent public ont été considérées comme bien trop importantes par plusieurs études récentes. Les assureurs privés ont lancé une campagne agressive auprès de leurs adhérents stigmatisant le risque de diminution des prestations et/ou d'augmentation des frais non pris en charge si le plan de B. Obama est mis en place. Ils ajoutent que ce nouveau programme public aura pour résultat de mal rémunérer les médecins et les hôpitaux avec pour conséquence une surfacturation de compensation pour ceux qui ont une assurance privée.
En réponse, l'équipe de transition du président-élu a préparé un guide de réunion insistant notamment sur l'utilité de faire témoigner des patients ayant eu des difficultés de prise en charge illustrant ainsi la nécessité de la réforme et contrecarrant les arguments des industriels.
On voit que le débat va être rude, avec le risque que ce projet de réforme subisse le même sort que la tentative pilotée à la demande de son époux par Hilary Clinton au début des années 90. Toutefois, ce thème, largement abordé pendant la campagne, a été pour beaucoup dans le succès de B. Obama, la fragilisation financière des systèmes d'assurance personnelle et la ruine de bon nombre de systèmes de prévoyance gérés par les employeurs ayant fait le reste. Il est donc vraisembable qu'une réforme du système de santé verra le jour, le tout est de savoir sous quelle forme finale !