mardi 28 avril 2009

La crise interne à la FDA continue.

A la fin de l'année dernière 9 scientifiques appartenant à la FDA (Food and Drug Administration) avaient écrit au président-élu Obama et à plusieurs membres du congrès pour les informer de leurs profonds désaccords avec les décisions prises par les responsables administratifs de la division de la FDA chargée des matériels et dispositifs médicaux. Ce blog s'est déjà fait l'écho de ce conflit interne apparemment sans précédent.
Les critiques de ces scientifiques concernaient notamment un appareil d'échographie mammaire et une prothèse du genou dont l'autorisation de commercialisation n'auraient pas reposé à leurs yeux sur des données scientifiques pertinentes et serait, au moins en partie, le fruit du lobbying des industriels concernés.
Le président Obama avait indiqué qu'il attendait que la FDA prenne des dispositions rapides pour résoudre ce conflit et apporter de solutions pérennes. Il semble que cette injonction a été écoutée puisque une réunion inhabituelle a été provoquée par la directrice du bureau d'évaluation des dispositifs médicaux pour définir la stratégie à venir de ce département de la FDA.
Dans les jours prochains, une nouvelle législation sera présentée au congrès pour que l'Institute of Medicine, organisme équivalent à notre Académie de Médecine, soit chargé d'évaluer le fonctionnement du département des dispositifs médicaux de la FDA. Les suites données à ce dossier sont très intéressantes car elles conditionnent en grande partie l'évolution des relations entre les industriels et les milieux médicaux qui font l'objet de multiples interrogations voire critiques des deux côtés de l'Atlantique.

samedi 18 avril 2009

L'effort européen en faveur du dépistage des cancers reste insuffisant

La commission européenne a publié récemment un rapport d'étape sur l'avancée des dispositions arrêtées en 2003 pour favoriser la prévention et le dépistage des cancers qui concernent chaque année environ 3,2 millions d'européens. Il apparaît que pour le cancer du sein, qui représentent 30% des décès par cancer en Europe, seuls vingt-deux États membres appliquent ou établissent des programmes de dépistage systématique. Quinze pays ont mis en place des programmes de dépistage pour le cancer du col de l’utérus et seulement douze pour le cancer colorectal. Au total, en 2007, 55 millions d'européens, dont une très grande majorité d'européennes (32 millions pour le dépistage du cancer du col, 12 millions pour celui du sein) ont bénéficié d'un examen participant à une démarche de dépistage alors que si les recommandations du Conseil avaient été appliquées partout en Europe, 125 millions auraient du être concernés. De plus, un peu moins de la moitié de ces examens ont été réalisés dans le cadre d'une démarche systématique de dépistage.
La commissaire européenne à la santé, Mme Androulla Vassiliou, a déclaré à cette occasion : «En ces temps d’incertitude financière, nous devons plus que jamais mesurer l’importance de préserver notre santé future. Les investissements dans les programmes de dépistage du cancer seront payants à long terme, la prévention constituant la manière la plus efficace et la moins coûteuse de réduire au minimum l’influence du cancer en Europe.»
Rappelons la définition de la prévention des maladies, et en l'occurrence des cancers, selon l'OMS :
  • la prévention primaire représente l’ensemble des moyens mis en oeuvre pour empêcher l’apparition d'un cancer notamment en réduisant l'exposition à des risques connus comme par exemple le tabagisme; elle repose pour l'essentiel sur l'information du public et sur l'éducation sanitaire.
  • la prévention secondaire consiste à détecter le plus précocement possible une anomalie qui constitue soit un état dit "prénéoplasique" c'est à dire comportant un risque substantiel d'évoluer vers le développement d'un cancer (polype colique, par exemple) soit un cancer avéré mais à un stade de tout début facilement curable. On parle de dépistage quand l'individu examiné ne se plaint d'aucun symptôme lors de l'examen systématique et de diagnostic précoce quand les symptômes qu'il présente éventuellement sont rapidement rattachés à la présence d'un cancer.
  • la prévention tertiaire rassemble l'ensemble des mesures visant à éviter ou à réduire les conséquences délétères des maladies; dans ce cadre, l'amélioration de la qualité des soins participe à la prévention tertiaire.

dimanche 12 avril 2009

Dossier médical personnel : acte I aux USA, acte II en France.

Le gouvernement fédéral américain a le projet d'investir près de 20 milliards de dollars pour développer un dossier médical informatisé. Un des buts recherchés est de dégager des économies de fonctionnement susceptibles d'aider à trouver un équilibre financier pour la réforme globale du système de santé prôné par Barack Obama.
Dans le même temps de nombreuses voix s'élèvent pour souligner les difficultés de la mise en oeuvre d'un tel projet ainsi que le caractère très improbable des économies espérées. C'est ainsi que des articles récents parus dans le New England Journal of Medicine rapportent que seulement 9% des 3000 hôpitaux américains audités lors d'une étude financée par le gouvernement fédéral disposent d'un dossier médical informatisé sans qu'il soit pour autant toujours communiquant avec notamment les autres établissements ou les médecins installés en ville. Par ailleurs, d'autres experts critiquent les choix technologiques actuels qui pour la plupart sont des logiciels "pré-internet" dits "fermés" ou "propriétaires" alors qu'il leur apparaît évident que la technologie ouverte du web constitue la solution la mieux adaptée permettant notamment à des contributeurs extérieurs de participer à l'amélioration permanente de l'outil logiciel, tout en réduisant le coût global de la démarche.
Il vient d'être nommé un coordonnateur national pour la technologie de l'information en médecine, le Dr. David Blumenthal, professeur à la Harvard Medical School, qui a déclaré que les économies financières n'étaient qu'un objectif "accessoire", le but principal étant en fait d'améliorer la qualité du service médical rendu par l'informatisation des données.
La triste saga du dossier médical personnel (DMP) informatisé français est là pour démontrer si besoin était que la démarche est en toute hypothèse complexe et souvent cahotique. L'objectif d'économie financière mise en avant par les décideurs de 2003-2004 était à l'évidence irréaliste, son atteinte éventuelle supposant au préalable des investissements massifs et une patience certaine avant que les premiers résultats soient perceptibles à l'échelle nationale. Il semble qu'il ait été décidé récemment au plus haut niveau de réactiver ce dossier en abandonnant l'objectif d'économie financière initialement mis en avant et en se donnant une période de mise en oeuvre plus réaliste, c'est à dire une dizaine d'années ...! Espérons que ces bonnes résolutions initiales résisteront à l'épreuve du temps, des changements politiques et des contraintes budgétaires pour enfin doter notre système de soins de l'outil performant dont il a grandement besoin.

lundi 6 avril 2009

Dr Google et mister e-patient

Se connecter pour obtenir un deuxième (ou un troisième avis), rien de très nouveau à cela depuis que le net est entré dans la majorité des foyers français. Aux USA, on estime qu'environ trois quarts des patients atteints d'une maladie chronique ont modifié l'approche de leur traitement après avoir consulté internet.
Un clic suffit en effet pour pénétrer dans un océan d'informations où le pire côtoie le meilleur, mais où globalement l'accès à la connaissance modifie profondément la relation traditionnelle entre médecin et malade, caractérisée de nos jours encore par une forte asymétrie. Il semble toutefois que la qualité informative s'améliore puisqu'une étude américaine récemment publiée dans la revue Cancer indique que le taux d'informations erronées n'est que de 5% après étude du contenu de 343 sites web consacrés au cancer du sein. Sans surprise, ce taux d'erreurs est 15 fois plus élevé dans les sites prônant une approche alternative de la maladie.
Plus fort encore, les forums de discussion offrent la possibilité de décrire précisément sa situation médicale, d'y trouver comme interlocuteurs d'autres patients dans un état équivalent et ainsi de comparer les traitements prescrits.
Il ne servirait à rien de mettre en garde ces experts en chambre vis à vis des risques de cette médecine virtuelle, il paraît au contraire plus opportun de les aider à accéder à une information fiable et utile et surtout de les encourager à faire part des résultats de leurs recherches à leur médecin pour susciter un débat. Il est tout à fait possible, voire probable, que le praticien soit surpris par des informations que ses patients ont glané sur le net et qu'il soit incapable de donner son avis dans l'instant. La meilleure attitude qu'il puisse alors adopter est de dire franchement "Je ne sais pas !" et de promettre de reprendre la conversation après s'être documenté.
Quoiqu'il en soit, il faut définitivement prendre en compte le fait que le "colloque singulier" caractérisant classiquement la relation médecin-malade comporte en fait de multiples intervenants oeuvrant dans les coulisses qui pendant longtemps étaient des personnes physiques comme la famille ou les amis, mais qui aujourd'hui sont de plus en plus souvent virtuels et surtout de plus en plus nombreux et divers.

mercredi 1 avril 2009

Un nouvel indicateur de la transformation cellulaire maligne

Dans le cadre des avancées de la protéomique (**) une équipe du Michigan Center for Translational Pathology d'Ann Arbor publie dans le numéro du 12 février 2009 du journal Nature, un article consacré à la possibilité de distinguer parmi les cancers prostatiques ceux qui sont localisés à la glande de ceux qui sont métastatiques, en dosant une protéine circulante, la sarcosine.
Il s'agit en fait non pas de protéomique au sens propre du terme mais de "métabolomique "(***) c'est à dire de l'étude des intermédiaires métaboliques qui apparaissent tout au long de la progression tumorale; leur mise en évidence et leur dosage constituent a priori des indicateurs à valeur pronostique supérieure à celles des biomarqueurs habituellement dosés dans le sang circulant comme, par exemple dans le cas particulier des cancers prostatiques, le PSA (Prostatic Specific Antigen).
L'étude repose sur l'analyse de plus de 1000 métabolites recherchés dans 262 échantillons biologiques dont 42 biopsies, le reste étant fait de prélèvements sanguins ou urinaires. L'utilisation d'un spectromètre de masse (****) a permis d'identifier 60 métabolites présents dans le tissu prostatique cancéreux alors qu'ils ne sont pas retrouvés dans le tissu normal. Parmi eux, 6 métabolites, dont la sarcosine, présentent des taux significativement élevés quand la tumeur devient métastatique. A titre de contre épreuve, l'addition de sarcosine à des cellules prostatiques en culture leur fait acquérir les caractéristiques d'un développement agressif et invasif. La perspective thérapeutique qui découle logiquement de ces résultats repose dans la possibilité de bloquer la machinerie enzymatique qui conduit à l'apparition de la sarcosine dans le milieu, empêchant ainsi la transformation cellulaire vers un mode tumoral malin.
Au total, génomique (*), protéomique et métabolomique, toutes filles de la biologie moléculaire, sont en passe de transformer l'approche diagnostique et thérapeutique de bon nombre de cancers même si la complexité des mécanismes rend encore leur application pratique limitée à certaines situations pathologiques particulières.
Quoiqu'il en soit, il s'agit-là d'une application remarquable de la recherche dite en transfert c'est à dire reliant étroitement les questionnements biologiques cognitifs d'une part et les préoccupations cliniques applicatives d'autre part.

Sreekumar A and al. Metabolomic profiles delineate potential role for sarcosine in prostate cancer progression. Nature. February 12, 2009.

(*) Génomique : discipline biologique qui a pour objet l'étude du génome ou patrimoine génétique d'un organisme vivant
(**) Protéomique : discipline biologique récente qui étudie l'ensemble des protéines d'une cellule ou protéome.
(***) Métabolomique : discipline biologique très récente qui étudie l'ensemble des composés issus du métabolisme cellulaire ou métabolites.
(****) Spectromètre de masse : appareil servant à l'analyse des molécules par caractérisation de leur structure chimique en fonction du rapport entre leur masse et leur charge après ionisation (acquisition d'une charge électrique négative ou positive) en phase gazeuse.