jeudi 31 décembre 2009

Oncopital repart pour l'année nouvelle !

Des contraintes multiples m'ont empêché de faire paraître de nouveaux billets depuis le début du mois de septembre dernier. Aujourd'hui, je peux de nouveau reprendre avec plaisir cet exercice excitant qui consiste à partager avec ceux qui le souhaitent des informations et des idées sur les sujets qui sont au centre de mon activité à savoir la cancérologie et plus globalement l'organisation de la santé, notamment hospitalière.
Dans ce cadre de préoccupations, que s'est-il passé d'important au cours des quatre derniers mois pendant lesquels Oncopital est resté silencieux ? Oh, beaucoup de choses, mais deux émergent manifestement de l'océan d'informations traitant de près ou de loin des questions de santé. La première est bien entendu la pandémie H1N1, dite grippe A, et les stratégies qui lui ont été opposées; l'autre l'accouchement complexe et difficile de la réforme du système de santé américain. Dans les deux cas, il a fallu faire des choix sous les yeux d'une opinion publique gavée d'informations parfois peu cohérentes et souvent outrancières.
Les responsables de la santé publique ont choisi dans chaque pays des stratégies spécifiques vis à vis de la pandémie grippale en fonction de leur propre perception du problème...et de leurs moyens financiers pour y faire face. La France a choisi une option haute c'est à dire une démarche vaccinale systématique pour l'ensemble de la population au delà des mesures d'hygiène dites "barrières". D'autres ont préféré focaliser leur action sur des groupes dits "à risque" même si ceux qui semblent les plus vulnérables vis à vis de la grippe A ne sont pas les mêmes qui habituellement sont les victimes les plus graves de la grippe saisonnière. Quelle aura été la meilleure stratégie ? Personne ne le sait réellement aujourd'hui, le "debriefing" au cours des mois à venir s'annonce passionnant et riche d'enseignements pour les épisodes à venir, grippaux ou non.
La deuxième grande affaire qui a occupé le devant de la scène sanitaire mondiale est à l'évidence le cheminement malaisé de la réforme du système de santé américain. Là aussi, il a fallu faire des choix, non pas cette fois en fonction de dires "d'experts" plus ou moins cohérents, mais sous la pression souvent extrêmement forte d'une collection impressionnante de groupes de pression divers, de lobbies, d'intérêts financiers, d'associations de patients, de ligues confessionnelles, etc. Le choix a été fait d'aboutir coûte que coûte et si possible avant la fin de l'année en cours; pour ce faire, la réforme initiale a été revue à la baisse notamment pour ce qui est de la création d'un vrai système alternatif d'assurance publique de santé face aux compagnies privées. Là aussi, les mois à venir diront si l'injonction qui a été faite aux assureurs privés de prendre en charge la plus grande partie des américains jusqu'ici non assurés (36 à 38 millions selon les sources) sera suivie d'effet.
Dans ces deux exemples, tout s'est passé sous les yeux des média et de l'opinion publique alors qu'il s'agit chaque fois de dossiers extrêmement complexes comportant une part d'inconnu; la simplification didactique qu'impose cette vulgarisation incontournable comporte à l'évidence le risque de la caricature dans un sens comme dans l'autre. Il n'est donc pas sûr que la sérénité qui devrait présider à des décisions de ce niveau, engageant des populations entières sur des questions vitales, soit toujours préservée qu'il s'agisse des individus concernés...comme des décideurs d'ailleurs.

jeudi 3 septembre 2009

Une amende astronomique pour Pfizer

Le laboratoire pharmaceutique américain Pfizer va payer l'amende la plus élevée jamais prononcée dans l'histoire criminelle américaine soit la bagatelle de 2,3 milliards de dollars pour de multiples irrégularités commises lors des phases de précommercialisation de plusieurs médicaments.
Cette somme a été fixée après un compromis négocié entre le laboratoire et le ministère de la justice dont les principaux responsables ont tenu une conférence de presse spéciale le mercredi 2 septembre avec l'évidente volonté de donner de la publicité à cette décision tout en indiquant que d'autres affaires similaires étaient à venir.
La secrétaire d'état à la santé, Kathleen Sebelius, a clairement précisé qu'il s'agissait là d'une simple étape dans la démarche gouvernementale de poursuivre et de punir toux ceux qui ont trompé ou ont tenté de tromper le gouvernement fédéral à travers ses agences dont la FDA et surtout les consommateurs de produits de santé eux-mêmes.
Cette condamnation est la quatrième concernant Pfizer depuis 2002 pour chaque fois des démarches commerciales illégales, l'accumulation des poursuites ayant manifestement contribué à alourdir la dernière amende. Les malversations concernent des anti-inflammatoires comme le Bextra retiré du marché depuis 20o5, mais aussi un antipsychotique le Geodon, un antibiotique le Zyvox ou un antalgique comme le Lyrica. L'essentyiel porte sur des incitations à prescrire en dehors des conditions d'agrément du médicament. Pfizer avait déjà été condamné en 2004 à payer 430 millions de dollars d'amende pour avoir donné des informations mensongères concernant le Neurontin, médicament anti-épileptique et s'était à l'époque engagé à renoncer à toute démarche illégale de marketing ou de lobbying....On peut toutefois noter que même si le montant de l'amende paraît énorme il ne correspond en fait qu'à trois semaines de ventes pour Pfizer.
Les six "whistle-blowers", c'est à dire ceux parmi les salariés de Pfizer qui ont dénoncé aux autorités fédérales les agissements frauduleux de leur employeur vont toucher au moins 102 millions de dollars à eux tous. Cette possibilité légale de dénonciation "payante" date de la guerre de sécession mais permet toujours d'instruire des cas de fraudes sanitaires qui coûtent des millions de dollars aux systèmes d'assurance comme Medicare ou Medicaid.
Enfin, les attendus du jugement font très clairement apparaître que le laboratoire Pfizer a influencé le jugement de certains praticiens experts y compris au moyen d'avantages en nature et/ou en espèces.
Ce nouvel épisode judiciaire vient après celui ayant concerné le laboratoire Lilly en janvier dernier, condamné à une amende de 1,4 milliard de dollars en raison d'illégalités dans le marketing d'un antipsychotique le Zyprexa. Peut-être qu'il survient à point nommé pour aider l'administration Obama à atteindre son but dans le douloureux chemin engagé vers une réforme du système de santé américain.

jeudi 27 août 2009

Une disparition regrettable à plus d'un titre!

Le sénateur Edward Kennedy est décédé dans la nuit du 25 au 26 août 2009 des suites d'un glioblastome cérébral diagnostiqué en mai 2008. Sa disparition survient au début du mandat présidentiel d'un candidat qu'il a très fortement soutenu dès le début de la campagne et au beau milieu d'un violent débat national portant sur le thème dont il avait fait depuis longtemps un cheval de bataille, la réforme du système de santé américain.
Depuis lors, les éditorialistes divergent sur l'analyse des conséquences de cette disparition sur le cours du débat : certains pensent que cela va empêcher les républicains, au moins pendant un temps, de poursuivre leur campagne virulente et souvent outrancière, d'autres au contraire craignent que la disparition de Ted Kennedy rende encore plus difficile l'élaboration d'un compromis "bipartisan" comme l'avait si souvent obtenu dans le passé le sénateur du Massachussets. En effet, "le vieux lion du sénat" comme le surnommaient affectueusement aussi bien ses amis démocrates que ses adversaires républicains, était un des rares sénateurs à pouvoir rapprocher les deux camps dans une stratégie de "face to face", nous dirions ici "d'homme à homme". L'exacerbation des critiques du projet de réforme au cours des dernières semaines rend effectivement plus que jamais indispensable la recherche d'un apaisement sans pour autant abandonner les objectifs fondamentaux du projet mais probablement en choisissant des voies opérationnelles plus acceptables pour la majorité des américains qu'ils soient d'ailleurs républicains...ou démocrates. "The right man in the right place" n'est plus, mais il faudra bien le remplacer...rapidement.

samedi 22 août 2009

L'opposition au projet de réforme du système de santé US est plus virulente que jamais !

L'outrance a cela d'utile, c'est qu'il en reste toujours quelque chose. c'est probablement ce que pensent les opposants au projet de réforme du système de santé américain proposé par B. Obama. En effet, lors de multiples réunions publiques comme au décours d'émissions de radio ou de télévision, par exemple sur la chaîne Fox News, le président est comparé à rien moins qu'Adolf Hitler tant le projet de réforme apparaît aux yeux de certains comme une dérive dictatoriale étatique...
De fait, les opposants à la réforme, républicains conservateurs pour la plupart mais pas uniquement, ont des arguments souvent outranciers voire caricaturaux. C'est ainsi que la réforme en projet est accusée d'entraîner un rationnement des soins, de se financer en réduisant les bénéfices du système fédéral Medicare (assurance pour les plus de 65 ans et les handicapés entre autres), de menacer les PME en les obligeant à participer à l'assurance santé de leurs salariés, de contraindre les américains à changer de médecin ou d'assurance volontaire, etc.
Plus fort encore, certains n'hésitent pas à affirmer que la réforme réduira l'accès aux soins des seniors et encouragera voire obligera à l'euthanasie des personnes âgées ! Que dire des propos de l'ancienne candidate républicaine à la vice-présidence, qui en plus de la référence hitlérienne assure que la réforme Obama aurait conduit à euthanasier son dernier enfant handicapé ...
Face à ce déferlement d'accusations le plus souvent infondées, la Maison Blanche est toutefois contrainte d'adopter une stratégie défensive comme le montre le contenu du site récemment ouvert qui a pour but de réfuter un à un ces arguments y compris les plus fantaisistes. Le risque est toutefois grand que cette stratégie conduise à un compromis qui ne serait probablement pas à la hauteur de l'enjeu ni d'ailleurs à celle des promesses de campagne...

samedi 15 août 2009

Nouvel épisode de la crise au sein de la FDA

Margaret Hamburg, nouveau commissaire de la Food and Drug Administration américaine, nommée par B. Obama en mai dernier en remplacement du Dr. von Eschenbach, a accepté le 11 août la démission du responsable du département des dispositifs médicaux et des appareils de radiologie. Cette démission constitue un nouvel épisode de la crise qui secoue la FDA depuis plusieurs mois et dont ce blog s'est déjà fait l'écho à plusieurs reprises.
De fait, les modalités de délivrance des autorisations de mise sur le marché de plusieurs dispositifs médicaux ont fait l'objet de critiques notamment au sein même de la FDA, les responsables du département des dispositifs étant accusés de succomber à des pressions multiples tant économiques que politiques et de ne pas toujours tenir compte de l'avis des propres experts scientifiques de la FDA.
Un groupe de 9 scientifiques de la FDA était allé jusqu'à écrire à plusieurs membres du congrès et au président lui-même pour dénoncer cette situation que la démission récemment annoncée semble venir confirmer.
On ne peut que souhaiter que cette prestigieuse administration américaine recouvre toute sa crédibilité tant les relations entre l'industrie des produits de santé, les prescripteurs et les patients sont à l'évidence au coeur des efforts nécessaires pour contenir l'évolution des dépenses de santé dans tous les pays industrialisés et notamment aux USA.

samedi 8 août 2009

La médecine nucléaire nord-américaine en panne ?

L'Amérique du nord risque d'être à court de technétium, isotope radioactif largement utilisé dans de nombreuses procédures médicales notamment diagnostiques.
En effet, le réacteur nucléaire canadien qui produit l'essentiel de cet isotope est fermé depuis le mois de mai dernier pour des problèmes de sécurité et ne sera remis en fonction qu'au mieux à la fin de l'année, certains experts considérant que le réacteur ne sera en fait jamais remis en marche. Il faut dire que cette installation est vieille de plus de 50 ans, que diverses commissions ont demandé sa fermeture depuis 1996, mais que malgré cela il n'y a pas d'autre lieu de production de technétium en Amérique du nord. En particulier le Oak Ridge National Laboratory (Tennessee) qui produit ne nombreux isotopes à usage médical ne fabrique pas de technétium.
Le réacteur hollandais (vieux lui de 47 ans) appelé à l'aide est lui aussi fermé pour un mois, et, de toute façon sera arrêté pour une période prolongé à compter de 2010. Les réacteurs français, belges, sud-africains ou argentins peuvent apporter une aide ponctuelle mais qui ne peut être que limitée compte tenu de leurs propres besoins et de la demi-vie très courte (6 heures) de l'isotope.
Le technétium 99m (99mTc) est un émetteur de des rayons gamma (photons), très utilisé en médecine nucléaire pour réaliser de nombreux tests diagnostiques (scintigraphies) : évaluation de la compétence du myocarde en cas d'insuffisance coronarienne, recherche de localisations métastatiques notamment osseuses lors du bilan d'un patient présentant un cancer, localisation du ganglion assurant le drainage préférentiel d'un cancer et guidant ainsi la chirurgie (ganglion dit "sentinelle"), etc. A titre d'illustration on estime à 40 000 par jour le nombre d'examens utilisant du technétium pour les seuls USA.
Cette situation inquiète les autorités fédérales qui ont décidé de débloquer les crédits nécessaires à la création d'une nouvelle source de production de technétium dans les années à venir tout en soutenant la recherche pour mettre au point de nouvelles techniques de production.
Globalement il existe un problème chronique de sous financement de cette filière industrielle qui oblige à des investissements élevés dans un contexte de mesures de sécurité draconiennes pour des marges financières qui restent très éloignées de celles dégagées par un médicament à succès.
Par contre les bénéfices retirés par les patients sont importants dans la mesure où les techniques pouvant être utilisées à la place des explorations isotopiques sont le plus souvent agressives, moins performantes et régulièrement plus onéreuses. Il s'agit là d'un exemple classique de conflit entre les intérêts industriels privés et ceux de l'ensemble de la population, l'arbitrage ne pouvant venir que d'une initiative de la puissance publique.

samedi 1 août 2009

Le salariat médical : une source d'économies ?

Dans le cadre du vaste débat suscité par le projet de réforme du système de santé voulu par B. Obama, le mode de rémunération des médecins constitue logiquement un sujet de controverse. Récemment, le président américain a visité un hôpital de Cleveland (Ohio) faisant partie du groupe Bassett Healthcare qui n'emploie que des praticiens salariés. Il se trouve que les hôpitaux de ce groupe se situent dans les 10% premiers établissements hospitaliers américains pour ce qui de la qualité des soins délivrés alors qu'ils sont moins chers que la plupart des autres hôpitaux.
Ces données alimentent les critiques classiques sur les effets pervers du paiement à l'acte, accusé d'être à l'origine d'une inflation des prescriptions et des actes.
Les responsables de Bassett affirment que les salaires proposés à leurs praticiens se comparent favorablement avec les revenus réels des praticiens rémunérés à l'acte et que le salariat médical favorise le travail en équipe pluridisciplinaire, ce dernier point étant peu contestable.
Bien évidemment, une telle évolution heurte de plein fouet l'essentiel de la profession médicale e notamment son organisation la plus représentative, l'AMA (American Medical Association) , parangon du conservatisme et du libéralisme sans limites basé sur l'entreprise individuelle.
Toutefois, l'exercice médical isolé ou en association de deux praticiens diminue nettement aux USA, moins de 10% des quadragénaires exerçant de la sorte contre 38% des plus de 60 ans.
La question est de savoir comment les dispositions législatives en préparation au Congrès vont accompagner cette évolution spontanée en favorisant le salariat médical au sein d'institutions qui s'apparentent souvent à des établissements privés à but non lucratif. En toute hypothèse, le paiement à l'acte apparaît clairement dans l'esprit des congressmen, en particulier démocrates, comme un facteur inflationniste de la prescription et donc de la consommation de ressources médicales. Il est intéressant de noter que cette notion, bien classique par ailleurs, émerge officiellement dans un pays qui reste fondamentalement "libéral", alors que d'autres, "colbertistes" traditionnels, continuent à considérer que ce système de rémunération des praticiens est toujours adapté à la médecine moderne au point même d'en transporter le principe au sein de l'hôpital public. On dit souvent que l'expérience des autres est intransmissible; espérons que ce dicton n'est que partiellement exact !