mercredi 31 décembre 2008

Bonne année...malgré tout !

Il est depuis quelque temps devenu commun et sans grand risque de prédire une année 2009 difficile et ce pour de multiples raisons dont toutes ne sont cependant pas à mettre systématiquement au compte des difficultés économiques mondiales actuelles et à venir, même si elles forment une toile de fond plutôt sombre. Pour se limiter aux thèmes habituellement abordés dans ce blog, deux dossiers me paraissent dignes de la plus grande attention au cours des mois à venir : bien sûr la mise en oeuvre du projet de réforme du système de santé proposé aux citoyens nord-américains par leur président-élu, et, plus modestement, le débat que ne manquera pas de susciter le projet de loi intitulé "Patients, santé, territoire" lorsqu'il viendra devant le parlement au cours des semaines prochaines. Pour ce qui est de ce dernier point, l'intensité de la controverse, née des incidents ou des drames médicaux survenus dans notre pays en cette fin d'année, laisse penser que les conditions sont réunies pour que la discussion parlementaire soit passionnée en espérant toutefois qu'elle débouche sur des mesures efficaces et pérennes au service du plus grand nombre.
Mais la grande question de 2009, et probablement des années suivantes, portera à l'évidence sur l'impulsion donnée par les choix que feront les USA en matière d'assurance santé. Le feuilleton financier des derniers mois a mis à mal les dispositifs assis sur les contrats individuels y compris quand ils sont "garantis" ou complétés par les employeurs ; les systèmes collectifs solidaires, dits universels ou nationaux, semblent pour l'instant plus solides même si les difficultés économiques générales ne peuvent que les fragiliser. Au sein de ces systèmes collectifs, les "bismarckiens" , type assurance-maladie française, continuent à apporter une performance supérieure aux "beveridgiens" fondés sur l'impôt comme dans la plupart des pays anglo-saxons européens. Le débat s'annonce passionnant en espérant qu'il n'oublie pas complètement les écarts de plus en plus importants entre les situations sanitaires à travers le monde, que les difficultés économiques actuelles et à venir ne feront encore qu'aggraver !
Je remercie vivement tous ceux qui ont pris de leur temps pour jeter un coup d'oeil sur ce blog et pour certains d'entre eux pour me faire part de leurs commentaires et suggestions. Je serais ravi qu'ils continuent de la sorte et j'adresse à tous mes meilleurs voeux pour l'année nouvelle.

samedi 27 décembre 2008

Le temps qui passe ne profite pas toujours au patient

Une étude rétrospective étudiant l'impact sur l'évolution tumorale du délai entre la chirurgie et la radiothérapie postopératoire d'un cancer du sein de petit volume a été publiée récemment dans le journal Cancer (*) après avoir été présentée au denier congrès de l'ASTRO (**). Les auteurs ont repris les dossiers médicaux de près de 8000 patientes enregistrées dans la base de données Medicare et ayant reçu une irradiation postopératoire après une chirurgie initiale conservatrice du sein entre 1991 et 1999. Les patientes étaient porteuses soit d'un cancer du sein invasif de stade I soit d'un carcinome in situ non invasif.
Parmi ces patientes, toutes âgées de plus de 65 ans puisque bénéficiant du Medicare, 16% ont eu une radiothérapie postopératoire retardée et 3% un traitement interrompu avant son terme. Ces situations ont été essentiellement retrouvées dans les zones déshéritées des USA, là où la densité des centres de radiothérapie est particulièrement faible.
De façon globale, un délai entre la chirurgie et la radiothérapie de plus de 12 semaines (ou de plus de 8 semaines après une éventuelle chimiothérapie postopératoire) s'accompagne d'une augmentation nette non seulement du taux de récidive tumorale dans le sein opéré mais aussi de métastases viscérales à distance pour ce qui est des tumeurs de stade I. Le risque de récidive locale isolée augmente dès que le délai postopératoire dépasse 8 semaines.
Ces résultats confirment ceux d'autres travaux déjà publiés même s'ils tirent leur originalité des caractéristiques d'âge de la population étudiée; en effet, les cancers du sein survenant chez des patientes âgées sont réputés moins évolutifs que ceux présentés par des femmes plus jeunes. ceci revient à dire que si un délai trop important entre la chirurgie et la radiothérapie influence défavorablement le contrôle local de la maladie voire son évolution métastatique chez les patientes de plus de 65 ans, cet impact négatif ne peut être qu'encore plus marqué chez les patientes plus jeunes.
Il est donc d'une importance majeure que l'organisation de l'offre de soins soit en accord avec ces impératifs chronologiques aussi bien en termes de disponibilité médicale et technique que de rapidité des procédures internes propres à chaque lieu de soins. La disponibilité des équipements de radiothérapie n'est pas aujourd'hui en France optimale en tout lieu, moins pour des raisons de nombre ou de qualité des plateaux techniques que de disponibilité des professionnels qu'il s'agisse des praticiens radiothérapeutes, des radiophysiciens ou des manipulateurs. Les dispositions prises récemment à la suite d'incidents multiples ayant concerné des centres de radiothérapie visent à augmenter les effectifs de ces professions et notamment des radiophysiciens; comme toutes les mesures démographiques, elles n'auront d'effet sur la fluidité des prises en charge que dans plusieurs années. Dans l'attente, l'organisation des services doit être optimisée pour supprimer tout délai inutile, préjudiciable au patient.

(*) Correlates and effect of suboptimal radiotherapy in women with ductal carcinoma in situ or early invasive breast cancer. H. T. Gold, H. T. Do, A. W. Dick; Cancer 113, 11 , 3108-3115, 2008.
(**) American Society of Therapeutic Radiology and Oncology.

mercredi 24 décembre 2008

Les médecins généralistes américains peuvent-ils accueillir tous les nouveaux assurés promis par B. Obama ?

Le docteur Pauline W. Chen, chirurgien et écrivain, a fait paraître dans les colonnes du New York Times du 11 décembre dernier un article consacré aux risques que porte en lui le projet de réforme du système de santé du président élu.
De fait, pendant sa campagne, Barack Obama a, à de multiples reprises, déclaré qu'il souhaitait que "tous" les américains bénéficient d'une assurance santé en sachant qu'aujourd'hui environ 45 millions d'entre eux en sont totalement dépourvus et que, parmi ceux qui en bénéficient, beaucoup n'ont qu'une couverture partielle et/ou plafonnée. Pauline Chen s'interroge dans son article intitulé "Where Have All the Doctors Gone?" sur la faisabilité pratique de cette stratégie au regard de l'évolution du nombre de praticiens de premier recours qui seront bien entendu les premiers concernés par les conséquences de cette réforme.
En effet, les résultats publiés de plusieurs études et enquêtes récentes, dont certaines ont été rapportées dans ce blog, sont source d'inquiétude car ils prévoient une réduction de l'ordre de 40 000 du nombre de praticiens généralistes d'ici 2025 et qu'aujourd'hui seuls 2% des étudiants en médecine déclarent vouloir se destiner à la médecine générale à tel point que, le mois dernier, l'American Medical Association a décidé d'apporter un soutien financier aux étudiants qui choisiraient la médecine générale. Par ailleurs, une enquête récente auprès des praticiens généralistes montrerait que près de la moitié des 12 000 médecins qui ont répondu, pour l'essentiel des généralistes, envisage de réduire ou de limiter leur activité dans un proche avenir voire de mettre fin à leur carrière.
Si l'on cumule les effets du vieillissement de la population au projet d'assurance santé universelle, on peut effectivement s'interroger sur les capacités du système américain de santé de premier recours à absorber cette forte augmentation de la demande. A titre d'exemple, le docteur Chen rappelle que quand le Massachussets a décidé par une loi de 2006 que tous ses résidents devraient désormais bénéficier d'une assurance santé, le nombre de nouveaux assurés a été de 440 000 sur une population totale d'environ 6 millions et demi...! C'est comme si notre système de soins national devait faire face brutalement à plusieurs millions d'assurés supplémentaires, ce qui à l'évidence entraînerait des difficultés majeures.

lundi 22 décembre 2008

Stabilité conjugale et qualité de vie après traitement pour cancer du sein

Une étude américaine récente a été consacrée à l'étude de la qualité de vie après traitement de 100 femmes traitées pour cancer du sein, mariées ou vivant en couple. L'objectif était d'évaluer l'impact des difficultés éventuelles au sein du couple sur la qualité de vie au cours des 5 années suivant le traitement.
Sans surprise, les résultats de cette étude confirment que les épouses ou compagnes de couples en difficultés présentent un niveau plus élevé de stress, moins d'activité physique et globalement une convalescence plus lente avec plus de symptômes négatifs que les femmes dont le couple est stable. Ces différences sont indépendantes du niveau de dépression, du stade de la maladie, du traitement reçu ou des pathologies éventuellement associées.
Ainsi pour un niveau d'anxiété équivalent lors du diagnostic initial, les femmes en situation de couple stable (72%) décrivent une diminution progressive de leur inconfort psychologique qui apparaît beaucoup plus rapide que celles qui sont en difficultés conjugales. De façon globale, la maladie ne fait que confirmer voire accentuer la situation affective préalable, confirmant les unions stables et aggravant les difficultés antérieures.
Cette étude, qui fait suite à plusieurs autres donnant les mêmes tendances, confirme tout l'intérêt qu'il y a à prendre en compte le plus tôt possible l'environnement d'un patient pour pouvoir éventuellement prévenir et/ou amender des éléments susceptibles de dégrader la qualité du résultat médical objectif. Cette préoccupation, aujourd'hui dénommée par un néologisme, la "proximologie", reste toutefois dans bien des cas plus théorique que pratique, peu de patient(e)s bénéficiant dans les faits d'une réelle attention dans ce domaine en dehors des situations critiques spectaculaires. Tant que ces éléments d'évaluation, au même titre que l'appréciation de la situation socio-professionnelle, ne seront pas systématiquement intégrés dans la démarche médicale initiale, ils continueront à être considérés comme subalternes alors qu'ils peuvent détériorer grandement le meilleur résultat thérapeutique et transformer ainsi la guérison objective en une longue convalescence inconfortable.

jeudi 18 décembre 2008

La privatisation des hôpitaux publics allemands en question.

Dans la revue Hospital-E, organe officiel de l'association européenne des directeurs d'hôpitaux, deux chercheurs en sciences sociales de Düsseldorf font le bilan de la privatisation des hôpitaux allemands. En effet, depuis le début des années 90 et plus encore à partir de 2000, une vague de privatisation a concerné les hôpitaux publics allemands qui ne représentent plus aujourd'hui que 34,1% des établissements hospitaliers. Certes, l'Allemagne a toujours eu un nombre important d'hôpitaux privés mais pour l'essentiel à but non lucratif, le fait nouveau étant l'augmentation forte des établissements commerciaux à but lucratif qui sont passés de 14,8 à 27,8% entre 1991 et 2006. Cette tendance devrait se poursuivre et concerner de plus en plus des établissements importants comme ceux de Hambourg en 2005 ou même l'hôpital universitaire de Marbourg en 2006, ce qui constitue une première en Europe. Dans le même temps, le gouvernement suédois a promulgué une loi en 2004 interdisant toute nouvelle privatisation hospitalière. On peut noter que la France reste le pays d'Europe dans lequel le secteur hospitalier commercial est de loin le plus important.
Les raisons de cette vague de privatisations sont essentiellement liées aux modifications du mode de financement des hôpitaux allemands qui depuis les années 90 reçoivent leurs ressources selon le système dit "DRG" ou Diagnosis Related Grouping, système voisin de la tarification à l'activité ("T2A") en vigueur en France depuis quelques années. Ce système d'allocations de ressources a entraîné une pression financière très importante sur les hôpitaux publics conduisant à un déficit de l'ordre de 1,3 à 2,2 milliards d'euros en 2008. Pour beaucoup de municipalités qui ont la responsabilité directe de la gestion hospitalière, la privatisation est apparue alors comme la seule solution et ce d'autant plus que les financements fédéraux ont considérablement diminué pendant la même période.
Les privatisations ont eu des conséquences importantes sur les personnels hospitaliers et sur la satisfaction des patients : le nombre d'agents hospitaliers a diminué de 9% depuis 1990 alors que la charge de travail a nettement augmenté, notamment dans les établissements privés commerciaux, aussi bien pour les infirmières que pour les médecins. Si les médecins sont mieux payés dans les hôpitaux privés commerciaux, les infirmières y sont moins bien rémunérées que dans le public. Dans le même temps l'index de satisfaction des patients s'est clairement détérioré, la privatisation massive ayant entraîné globalement une baisse de confiance des allemands dans leurs hôpitaux. Par ailleurs, les relations entre hôpitaux se sont dégradées, les groupes privés concluant des accords de coopération à l'échelle nationale et non plus locale ce qui complique considérablement la prise en charge des patients.
Au total, en raison des protestations des personnels et du mécontentement croissant des patients, la privatisation des hôpitaux allemands est de plus en plus contestée avec dans de nombreuses villes allemandes des mouvements de syndicats et d'associations d'usagers s'opposant à des projets de privatisation. Mais force est de constater qu'à Hambourg, malgré un référendum ayant donné une majorité de plus de 75% opposée à la privatisation, la municipalité a quand même décidé de vendre les hôpitaux dont elle avait jusque là la charge. La poursuite de cette tendance dépendra en fait du niveau de financement que l'état fédéral apportera aux hôpitaux publics, sa limitation persistante risquant d'entretenir les privatisations. A suivre...!

lundi 15 décembre 2008

Les salaires des soignants britanniques en forte augmentation

La presse anglaise a révélé récemment que, pour la première fois, une infirmière avait franchit la barre symbolique de 100 000 livres de salaire annuel soit environ 127 000 euros. Ce niveau appréciable de revenu, tout au moins en comparaison avec les salaires des infirmières françaises, est le résultat de la stratégie développée par le NHS (*) pour réduire les délais d'attente qui sont une des plaies du système de santé britannique. Il semble qu'il ne s'agisse pas là d'un cas isolé, plusieurs dizaines d'infirmières ayant des niveaux de revenu du même ordre; il faut préciser cependant qu'il s'agit de "consultant nurses", c'est à dire d'infirmières expérimentées, au nombre d'environ 800 au Royaume-Uni, qui assurent des consultations notamment pour des patients porteurs d'affections chroniques comme le diabète et qui sont en mesure de pratiquer des actes comme par exemple l'exérèse chirurgicale de petites lésions cutanées ou une endoscopie digestive, ce qui en France correspond toujours à un acte médical.
Pour ce qui est des médecins, leurs salaires ont nettement augmenté au cours des dernières années, beaucoup d'entre eux dépassant 200 000 livres (253 779 euros) de revenu annuel, certains atteignant 300 000 euros; là encore, ces niveaux salariaux sont le fait de primes ou de bonus additionnels versés à ceux qui contribuent à la réduction des délais d'attente. Ces salaires additionnels sont négociés de gré à gré dans le cadre de contrats entre chacun des "trusts" qui gèrent les hôpitaux britanniques et les praticiens ou les infirmières sans qu'il soit toujours possible de savoir précisément à combien d'heures supplémentaires de travail correspondent ces indemnités qui peuvent parfois être équivalents au salaire de base.
Ces niveaux de rémunération soulèvent bien entendu de multiples protestations qui se sont encore amplifiées par ces temps de difficultés économiques et ce d'autant plus que ces "largesses" financières ne semblent pas s'accompagner d'une amélioration perceptible de la qualité des soins. Les délais d'attente constatés encore aujourd'hui au Royaume-Uni sont le résultat de coupes sombres dans les budgets sanitaires au cours des années 80-90 et d'une réorganisation profonde du système de santé, essentiellement public et financé par l'impôt ; les soignants, et parfois les équipements, sont devenus ainsi une denrée rare, expliquant le recours à ces incitations financières puissantes pour tenter de réduire les difficultés d'accès aux soins que rencontrent les patients d'outre-manche.
En France, la contraction démographique des soignants et leur mauvaise répartition géographique risquent de contraindre les pouvoirs publics à prendre dans l'avenir des mesures incitatives comparables même s'il est probable qu'elles n'atteindront pas les mêmes niveaux ... quoique !

(*) NHS : National Health Service.

vendredi 12 décembre 2008

Les décès survenant dans le mois suivant une chimiothérapie : résultats d'une enquête nationale au Royaume-Uni.

Le NCEPOD (National Confidential Enquiry into Patient Outcome and Death), organisation britannique indépendante du NHS (*) et des associations professionnelles médicales, a mené une revue nationale consacrée aux patients décédés au cours du mois suivant l'administration d'une chimiothérapie anticancéreuse. Un groupe d'experts a été chargé de revoir les dossiers médicaux ainsi que les éléments essentiels de l'organisation hospitalière des patients traités entre le 1er juin et le 31 juillet et décédés entre le 1er juin et le 31 août de la même année. Plus de 1000 établissements ont été sollicités, seuls 64% d'entre eux ont répondu et 366 ont été retenus. Pendant la période d'analyse, 47 050 traitements ont été documentés ainsi que les 1415 décès survenus au cours du mois suivant dont 1044 se sont avérés exploitables.
De façon globale les résultats de l'enquête sont les suivants :
  • 35% des patients ont reçu des soins jugés satisfaisants, conformes aux standards définis par les experts.
  • Pour 38% des patients, la qualité des soins a été considérée comme perfectible ainsi que leur organisation dans 6% des cas.
  • 8% des patients ont reçu des soins de qualité jugée insuffisante et 8% supplémentaires avaient des dosseirs médicaux considérés comme insuffisamment documentés.
  • Environ 15% des patients ont été admis au cours de leurs derniers 30 jours de vie dans un autre établissement que celui où avait été prescrite et administrée la dernière chimiothérapie.

L'intention thérapeutique était palliative dans 86% des cas, environ un quart des patients présentant lors de l'administration de la chimiothérapie un état général coté 3 ou 4 OMS c'est à dire particulièrement altéré. De plus, 43% des patients ont présenté une toxicité majeure au cours des 30 jours précédents leur décès malgré une réduction des doses dans plus d'un quart des cas
Dans 20% des cas, l'indication de chimiothérapie a été considérée comme inappropriée par le panel d'experts et discutée préalablement de façon pluridisciplinaire uniquement dans 60% des cas. Enfin, les experts ont considéré que dans 27% des cas, la chimiothérapie avait une responsabilité directe dans le décès du patient ou dans le raccourcissement de sa survie.
Les résultats de cette enquête peuvent apparaître sévères pour les cancérologues et les hématologistes britanniques que d'ailleurs bon nombre de commentateurs se sont empressés de critiquer. De fait, la prescription d'un traitement cancérologique spécifique (**) susceptible de dégrader l'état général des patients lors d'une situation palliative avancée, ce qui semble être le cas de la très grande majorité des patients concernés par cette étude, doit rester une décision exceptionnelle, mûrement réfléchie et discutée à plusieurs. Toutefois, rien de permet de penser que cette enquête britannique révèle des pratiques moins pertinentes que dans d'autres pays dont le nôtre... pour la bonne et simple raison qu'aucune étude comparable n'a été effectuée à l'échelle nationale en France. Saluons donc le courage et la franchise de nos confrères britanniques et essayons de les imiter, au moins dans leur souci de transparence.

(*) NHS : National Health Service, organisation étatique gérant le système de santé au Royaume-Uni.

(**) Traitement cancérologique spécifique : par convention recouvre les traitements qui ne sont en général prescrits qu'en présence d'une tumeur maligne. Il s'agit en fait de la radiothérapie et de la chimiothérapie.

mercredi 10 décembre 2008

Les affections de longue durée (ALD) font débat

Dans le numéro 20, paru en novembre 2008, de sa revue Points de Repère, la CNAMTS (*) présente l'état au 31 décembre 2007 des personnes porteuses d'une affection dite de longue durée ou ALD. Rappelons qu'il s'agit d'un dispositif mis en place dès la création de la sécurité sociale, ayant pour but l'exonération du ticket modérateur restant à la charge du patient, en clair la gratuité des soins en rapport avec une des maladies figurant sur une liste fixée par décret. Ces pathologies sont au nombre de 30, d'où l'expression ALD30, auxquelles il faut ajouter un certain nombre de pathologies dites "hors liste" et des situations de pathologies multiples invalidantes.
Il apparaît qu'au 31/12/2007, environ 8 millions d'assurés au régime général bénéficient de la gratuité des soins pour une affection considérée comme de longue durée, soit environ 14% de l'ensemble des assurés de ce régime (hors régime agricole et divers régimes spéciaux dont ceux des non salariés). La progression d'une année sur l'autre est en moyenne de 5,7% assurée pour plus des trois quarts par le diabète, les tumeurs malignes et les maladies cardio-vasculaires.
Au sein des tumeurs malignes, les adénocarcinomes prostatiques se signalent par une augmentation annuelle moyenne de 11% des attributions d'ALD, passées de 65 000 en 1994 à 278 000 en 2007. Ceci ne traduit pas bien entendu l'évolution de l'incidence spontanée des cancers de la prostate mais reflète plutôt la conjonction de trois facteurs bien connus : le vieillissement de la population masculine, la pratique très répandue d'un dosage systématique du PSA (**) et l'augmentation des indications de prise en charge thérapeutique active y compris chez des hommes d'âge avancé. Dans une moindre mesure, il en est de même pour les patientes attributaires d'une ALD pour cancer du sein dont le nombre atteint en 2007 plus de 450 000 avec une augmentation annuelle de 6% traduisant en grande partie les effets du dépistage systématique, collectif ou individuel.
Il faut toutefois remarquer que dans les deux situations précédentes, bon nombre des nouveaux diagnostics portent sur des lésions de tout début, souvent non-invasives, dont il n'est pas certain qu'elles arriveraient à entraîner un quelconque symptôme au cours de la vie du patient ou de la patiente notamment quand le diagnostic est fait au delà de 70 ans voire plus.
Ceci renvoie à la contradiction qui existe entre la définition théorique des patients pouvant bénéficier d'une ALD parce qu'ils sont porteurs "d'une maladie chronique comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse" et la réalité pratique où le seul diagnostic anatomopathologique de cancer suffit à ouvrir les droits indépendamment du type de prise en charge et de la situation clinique du patient. Même s'il est évident que les cancers nécessitent souvent le recours à des traitements prolongés et coûteux, fort heureusement bon nombre d'entre eux sont en fait de prise en charge brève et/ou simple, en particulier pour les formes de début des maladies prostatiques ou mammaires chez des patients âgés.
Les auteurs de cette étude ajoutent que la nécessité d'une surveillance régulière "pour dépister les récidives curables" explique le nombre croissant des patients en ALD. Il faut préciser là que le suivi des patients traités pour cancer est, dans l'immense majorité des cas, particulièrement simple se résumant souvent, en l'absence de fait nouveau, à une ou deux consultations médicales annuelles et à un minimum d'examens complémentaires ce qui ne correspond pas à la situation de maladie chronique "particulièrement coûteuse".
Il paraît donc justifié, non pas de remettre en cause le principe de cette exonération, mais d'en adapter l'attribution en fonction de la réalité médicale et clinique si l'on ne veut pas la compromettre en augmentant indûment le nombre de bénéficiaires au seul motif du diagnostic initial. Ce risque n'est pas que théorique quand on lit les commentaires faits sur cette étude par le directeur de la CNAM lui-même qui envisage une modulation en fonction du type de pathologie ...ou du niveau de revenus, et qui s'interroge par ailleurs sur "l´opportunité d´un autre système de prise en charge qui permettrait de mieux répartir les dépenses et de soulager l'Assurance maladie obligatoire". Conservons notre système universel et solidaire ce qui n'empêche pas d'en améliorer la pertinence et l'équité. Un rapport parlementaire récent aborde d'ailleurs directement le sujet des ALD, il faudra rester attentif à son avenir législatif !
(*) CNAMTS : Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés.
(**) PSA : marqueur du tissu prostatique normal et pathologique, dosable dans le sang circulant, pouvant être utile au diagnostic précoce des cancers de la prostate quand il est couplé à l'examen clinique (toucher rectal) et à un éventuel complément par échographie prostatique.

lundi 8 décembre 2008

Journalisme médical et conflits d'intérêts

La nouvelle n'est pas passée inaperçue dans le milieu du journalisme scientifique et médical américain : le docteur F.K. Goodwin, psychiatre reconnu et ancien directeur du National Institute of Mental Health, aurait reçu de l'industrie pharmaceutique la coquette somme de 1,3 million de dollars entre 2000 et 2007. L'affaire prend un tour particulier quand on sait que F.K. Goodwin participe régulièrement à une émission scientifique grand public très suivie aux USA, Infinite Mind, sans que le producteur de l'émission ait été informé de ces liens financiers personnels.
La presse rapporte ainsi que le Dr. Goodwin a recommandé lors d'une de ses émission récentes le traitement médicamenteux des troubles bipolaires (*) de l'enfant pour éviter toute dégradation des fonctions cérébrales dans l'avenir; mais, le même jour, il recevait un chèque de 2 500 dollars de la part du laboratoire GSK (GlaxoSmithKline) pour une conférence promouvant la prescription d'un médicament stabilisant l'humeur, le lamotrigine, commercialisé par GSK sous le nom de Lamictal. Au total, GSK a versé en 2007, 329 000 dollars au Dr. Goodwin pour ses actions de promotion du Lacmital. Du coup, l'autorité de contrôle de la radio publique aux USA a décidé de retirer l'émission de ses programmes pendant que le laboratoire GSK faisait remarquer que les praticiens qui reçoivent des fonds des laboratoires ont seuls la responsabilité de déclarer ces liens, ce que manifestement le Dr. Goodwin a omis de faire.
L'affaire est d'autant plus retentissante que l'émission The Infinite Mind a reçu de très nombreux prix et est considérée comme la meilleure production médicoscientifique américaine, suivie régulièrement par plus d'un million d'auditeurs. Mieux encore, elle est agrée par le NIH (**) et la National Science Foundation, organismes qui tous deux exigent des participants une déclaration formelle attestant de l'absence de liens avec l'industrie.
Cette affaire s'inscrit dans le cadre plus vaste d'une démarche du congrès américain cherchant à évaluer et à sanctionner les liens entre leaders d'opinion médicoscientifique et les industriels du médicament; c'est ainsi, qu'en octobre dernier, le Dr Charles Nemeroff de l'Université Emory d'Atlanta, a été convaincu d'avoir reçu entre 2000 et 2007 plus de 2,8 millions de dollars des laboratoires dont il a au passage "oublié" de déclarer 1,2 million ! Le NIH a suspendu les 9,3 millions de dollars de crédits de recherche destinés à l'université Emory et par ailleurs, le Dr Nemeroff a démissionné de sa fonction de chef de département de psychiatrie.
La liste de ceux qui entretiennent des liens financiers étroits avec l'industrie est en train de s'allonger de façon préoccupante au point que la quasi totalité des centres universitaires et hospitaliers les plus importants sont concernés. Une législation dédiée est en préparation obligeant à une déclaration officielle pour tout versement supérieur à 500 dollars, principe auquel Eli Lilly et Merck disent adhérer.
Le cas Goodwin comporte une dimension particulière, celle des rapports entre les industriels et les journalistes, souvent médecins, qui traitent de sujets médicaux. La même presse américaine insiste sur le fait que les rémunérations directes, les voyages tous frais payés, souvent pour deux personnes, les animations de manifestations promotionnelles, etc, contribuent à jeter un doute sur la neutralité des informations diffusées, même si le président de l'association américaine des journalistes médicaux considère qu'il s'agit de cas marginaux tout en reconnaissant que leur nombre est croissant.
Il est probable que ce qui est étalé dans la presse aux USA existe ailleurs avec peut-être plus de dissimulation ; quoiqu'il en soit on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a là une voie pour limiter la progression sans fin du coût des prescriptions médicamenteuses au delà de la nécessaire transparence vis à vis des patients qui, in fine, ont droit à une information honnête puisqu'ils consomment et payent, parfois à tous les sens du mot, les molécules que leur prescrivent leurs médecins.

(*) Les troubles bipolaires (autrefois appelés maniaco-dépressifs) entraînent chez les sujets qui en souffrent des fluctuations excessives, parfois extrèmes, de l'humeur sans qu’il n’y ait forcément un événement extérieur perceptible ou de façon disproportionnée qaund il existe.
(**) NIH : National Institue of Health

vendredi 5 décembre 2008

Renoncement aux soins non urgents : une comparaison internationale

L’organisation non gouvernementale américaine Commonwealth Fund a fait paraître dans le numéro de novembre du journal Health Affairs une étude du taux de renoncement aux soins dans plusieurs pays développés dont les USA par les patients porteurs de pathologies chroniques lourdes comme un diabète, une cardiopathie, un cancer ou une dépression. A partir d’un échantillon de 7500 patients US, une comparaison a été effectuée avec 7 autres pays tous caractérisés par un système universel d’assurance santé Australie, Grande-Bretagne, Canada, France, Allemagne, Pays-Bas et Nouvelle Zélande.
On apprend ainsi que 54% des patients américains inclus dans l’étude ont évité à un moment ou à un autre de prendre des médicaments ou de se rendre à une consultation médicale et ce pour des raisons purement financières. En outre, 42% ont déclaré qu’ils avaient dépensé plus de 1000 $ de leur poche pour des soins médicaux au cours de l’année écoulée, alors que seulement 4% des britanniques et 8% des hollandais ont été contraints de faire de même.
Commonwealth Fund ajoute que les patients américains ont plus de risques que les autres d’être victime d’un incident médical comme une erreur de prescription médicamenteuse ou un retard dans la communication d’un résultat d’examen anormal; globalement, les patients américains sont plus exposés que ceux des autres pays à une mauvaise coordination de leur prise en charge médicale.
La conclusion est bien entendu en faveur d'un système de couverture santé universelle, même si les moyens pour y parvenir font débat et constitueront un des chantiers majeurs de la nouvelle administration américaine. Dans cet ordre d'idée, on peut rappeler les éléments contenus dans le rapport Eurothine qui montrent que les systèmes fondés sur une contribution sociale généralisée appelés aussi "bismarckiens" semblent plus efficaces que ceux assis sur l'impôt.

mercredi 3 décembre 2008

Faut-il rapatrier les immigrants US non assurés quand ils sont malades ?

La presse américaine a consacré plusieurs articles récents au problème posé par la prise en charge des immigrants dépourvus d’assurance santé. Ainsi, le New York Times rapporte dans ses colonnes le cas d’un jeune mexicain de 19 ans, ouvrier agricole dans la région de Phoenix, Arizona, plongé dans un coma profond après un accident de la circulation. Bien qu’immigrant légal et socialement bien intégré, le fait que le pronostic vital soit très réservé et que, surtout, il soit dépourvu d’assurance santé ont fait que l’hôpital américain a décidé de le transférer sous respirateur à Mexicali, ville du Mexique située à 4 heures de route de Phoenix, où il a été hospitalisé dans un service d’urgence très encombré. Les parents du jeune homme se sont démenés pour trouver un hôpital en Californie qui a accepté de le prendre en charge ; ils ont donc loué une ambulance, hospitalisé leur fils aux USA alors qu’il était porteur d’une complication infectieuse majeure. Quelques semaines plus tard, le jeune homme était non seulement vivant, mais en grande partie valide et pris en charge dans un centre de rééducation californien.
Cette histoire, comme d’autres, illustre la façon erratique dont le système de santé américain prend en charge les immigrants non assurés victimes d’accidents graves ou sérieusement malades. Il semble qu’en fonction du service d’urgences dans lequel ils sont initialement accueillis, leur sort soit drastiquement différent, prise en charge normale ou transfert dans le pays d’origine ! Ces décisions arbitraires, éthiquement très discutables, sont le fruit du croisement entre une politique d’immigration en échec patent et un système de santé en grande difficulté.
L’accumulation de ces anomalies de prise en charge et leur publication dans la presse ont suscité une vive émotion dans la collectivité médicale américaine qui souhaite que des règles nationales soient instituées. En attendant, l’American Medical Association s’est saisi de la question sans toutefois la trancher complètement compte tenu des conséquences financières pour les hôpitaux d’une prise en charge systématique pour tous les immigrants non assurés dans la mesure où il n’existe pas ou peu de compensation financière étatique ou fédérale. Mais dans le même temps, l'association médicale californienne a pris les devants en s'opposant à toute rapatriation forcée des patients en raison soit d'une situation vitale jugée irréversible soit de l'absence d'assurance santé, soit des deux. Voilà un autre sujet épineux pour la réforme du système de santé américain promise par le président récemment élu.

lundi 1 décembre 2008

La chirurgie cancérologique en France en 2006

La FHF, fédération des hôpitaux publics français, a publié en octobre sa lettre Info en Santé n°15 consacrée à l'évolution des parts de marché des différents secteurs hospitaliers entre 2002 et 2006. Un développement particulier a été consacré à la chirurgie des cancers et notamment à l'impact prévisible des seuils d'autorisation tels qu'ils ont été publiés par l'INCa en juin 2008.
Globalement le nombre de séjours pour chirurgie d'un cancer augmente de + 3,8% par an, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé pour atteindre le chiffre cumulé de 416 365 en 2006 avec un partage à peu près égal entre les deux secteurs, respectivement 47,3 et 52,7 %. Ainsi, en 2006 plus d'un cancer sur deux est opéré dans un établissement privé avec des variations fortes suivant les pathologies concernées : la part du secteur hospitalier public est de 56% pour les cancers digestifs, de 58% pour les cancers gynécologiques, de 63% pour les cancers ORL, de 54% pour les cancers du sein, de 63% pour les cancers thoraciques mais uniquement de 39% pour ce qui est des cancers urologiques, essentiellement représentés par les tumeurs de la prostate. Il est à noter que les séjours pour chirurgie d'un cancer urologique ont augmenté de plus de 30% entre 2002 et 2006 ce qui est très au-delà de l'augmentation spontanée de fréquence de ces affections; l'explication pouvant résider dans une amélioration progressive du codage mais peut-être aussi dans une extension des indications chirurgicales notamment chez des patients de plus en plus âgés porteurs d'un cancer prostatique.
Par ailleurs, cette étude évalue à moins de 10% le nombre de séjours qui devront dans l'avenir être effectués dans un autre établissement pour respecter les seuils minima d'activité fixés par l'INCa . Ce chiffre est relativement faible, traduisant très probablement le fait que les seuils d'activité retenus pour autoriser les établissements à traiter les patients porteurs d'un cancer, ont été choisis (volontairement) à un niveau peu élevé de l'ordre de 20 à 30 interventions par an pour chaque grande pathologie tumorale. De toute façon, si les seuils choisis avaient été plus hauts, le nombre de séjours à déplacer d'un établissement dans un autre aurait posé des problèmes majeurs de faisabilité pratique pour les établissements chargés de les accueillir avec le risque de délais importants de prise en charge. Toutefois, dans un premier temps, la fixation de ces seuils aura vraisemblablement la vertu d'éliminer les lieux de traitements où un niveau trop faible d'activité n'est pas compatible avec une qualité optimale des soins.
Au total, on retrouve dans ces éléments chiffrés la traduction des deux grandes caractéristiques de l'offre chirurgicale cancérologique française : d'une part, la contribution importante du secteur privé commercial, largement supérieure à celle constatée dans tous les autres pays européens comparables, et d'autre part la grande dispersion des lieux de traitement que va partiellement réduire l'instauration des seuils minima d'activité pour qu'un établissement soit autorisé à traiter les patients porteurs de cancer.