jeudi 18 décembre 2008

La privatisation des hôpitaux publics allemands en question.

Dans la revue Hospital-E, organe officiel de l'association européenne des directeurs d'hôpitaux, deux chercheurs en sciences sociales de Düsseldorf font le bilan de la privatisation des hôpitaux allemands. En effet, depuis le début des années 90 et plus encore à partir de 2000, une vague de privatisation a concerné les hôpitaux publics allemands qui ne représentent plus aujourd'hui que 34,1% des établissements hospitaliers. Certes, l'Allemagne a toujours eu un nombre important d'hôpitaux privés mais pour l'essentiel à but non lucratif, le fait nouveau étant l'augmentation forte des établissements commerciaux à but lucratif qui sont passés de 14,8 à 27,8% entre 1991 et 2006. Cette tendance devrait se poursuivre et concerner de plus en plus des établissements importants comme ceux de Hambourg en 2005 ou même l'hôpital universitaire de Marbourg en 2006, ce qui constitue une première en Europe. Dans le même temps, le gouvernement suédois a promulgué une loi en 2004 interdisant toute nouvelle privatisation hospitalière. On peut noter que la France reste le pays d'Europe dans lequel le secteur hospitalier commercial est de loin le plus important.
Les raisons de cette vague de privatisations sont essentiellement liées aux modifications du mode de financement des hôpitaux allemands qui depuis les années 90 reçoivent leurs ressources selon le système dit "DRG" ou Diagnosis Related Grouping, système voisin de la tarification à l'activité ("T2A") en vigueur en France depuis quelques années. Ce système d'allocations de ressources a entraîné une pression financière très importante sur les hôpitaux publics conduisant à un déficit de l'ordre de 1,3 à 2,2 milliards d'euros en 2008. Pour beaucoup de municipalités qui ont la responsabilité directe de la gestion hospitalière, la privatisation est apparue alors comme la seule solution et ce d'autant plus que les financements fédéraux ont considérablement diminué pendant la même période.
Les privatisations ont eu des conséquences importantes sur les personnels hospitaliers et sur la satisfaction des patients : le nombre d'agents hospitaliers a diminué de 9% depuis 1990 alors que la charge de travail a nettement augmenté, notamment dans les établissements privés commerciaux, aussi bien pour les infirmières que pour les médecins. Si les médecins sont mieux payés dans les hôpitaux privés commerciaux, les infirmières y sont moins bien rémunérées que dans le public. Dans le même temps l'index de satisfaction des patients s'est clairement détérioré, la privatisation massive ayant entraîné globalement une baisse de confiance des allemands dans leurs hôpitaux. Par ailleurs, les relations entre hôpitaux se sont dégradées, les groupes privés concluant des accords de coopération à l'échelle nationale et non plus locale ce qui complique considérablement la prise en charge des patients.
Au total, en raison des protestations des personnels et du mécontentement croissant des patients, la privatisation des hôpitaux allemands est de plus en plus contestée avec dans de nombreuses villes allemandes des mouvements de syndicats et d'associations d'usagers s'opposant à des projets de privatisation. Mais force est de constater qu'à Hambourg, malgré un référendum ayant donné une majorité de plus de 75% opposée à la privatisation, la municipalité a quand même décidé de vendre les hôpitaux dont elle avait jusque là la charge. La poursuite de cette tendance dépendra en fait du niveau de financement que l'état fédéral apportera aux hôpitaux publics, sa limitation persistante risquant d'entretenir les privatisations. A suivre...!

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