Le projet Eurothine, démarche collaborative internationale initiée par la Commission Européenne en 2004 et formellement achevée en 2007, a pour objectif de mesurer les inégalités de santé en Europe et de dégager des stratégies pour les réduire. L'étude qui a mobilisé plus de 50 chercheurs européens est alimentée d'une part par les données épidémiologiques, sociales, économiques émanant des pays de la communauté contributeurs au projet et d'autre part par les éléments recueillis lors d'interviews de plusieurs dizaines de milliers d'européens répartis dans plus de 20 pays de l'union.
Une partie de ce très important travail de recueil et d'analyse est consacré à la mesure de l'influence des différents types de système de santé sur les inégalités d'état de santé observées et perçues au sein des populations européennes. Pour cette étude particulière, les pays sont répartis suivant 4 catégories socio-politiques : social démocratie, démocratie chrétienne, démocratie libérale et démocraties "tardives " (Espagne et Portugal). Les inégalités d'état de santé sont présentes dans tous les types socio-politiques mais sont plus marquées dans les démocraties dites "tardives", y compris en tenant compte du niveau d'études qui reste un paramètre discriminant majeur dans tous les pays.
Pour ce qui est des différents types de régimes de protection sociale, les pays du sud de l'Europe (Espagne, Portugal, Italie, Grèce) présentent les plus fortes inégalités, sauf pour les patients présentant des maladies chroniques, alors que les pays ayant adopté un système de type "bismarckien" (*), dont la France, ont les plus faibles. Pour ce qui est des autres systèmes, les pays scandinaves sont moins bien placés que les régimes anglo-saxons libéraux ou est-européens, peut-être que parce que l'attente y est plus forte compte tenu d'un niveau sanitaire moyen déjà très élevé.
Enfin les inégalités homme-femme en matière d'état perçu de santé montrent que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à décrire leur état de santé comme mauvais ou médiocre dans plusieurs pays, alors que dans d'autres (Belgique, France, Allemagne, Irlande), il n' a pas été trouvé de différences. Il reste difficile de tirer des conclusions définitives de ces études statistiques complexes, mais il semble se dégager un avantage en faveur des systèmes de protection sociale fondés sur la solidarité collective mutualisée comme le réalise le système français d'assurance maladie universelle. Néanmoins, il persiste dans tous les cas des inégalités d'état de santé que les auteurs de ce rapport pensent correctibles sous réserve de décisions politiques fortes portant notamment sur l'éducation et le niveau d'emploi.
(*) Bismarckien : du nom du chancelier Otto von Bismarck (1815-1898) qui mit en place un tel système en Allemagne au XIXième siècle ; se dit d'un système de protection sociale obligatoire s'adressant préférentiellement aux travailleurs dans une logique assurantielle, alimenté par les cotisations prélevées sur les salaires et dont la gestion est confiée aux partenaires sociaux. On lui oppose habituellement les systèmes dits "beveridgiens", du nom d'un économiste anglais William Henry Beveridge (1879-1963), dont l'objectif est d'assurer une protection sociale uniforme minimale à tous les citoyens alimentée par l'impôt.
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