Plusieurs incidents survenus au cours des derniers mois et notamment le tragique accident sériel d'Epinal, ont attiré l'attention sur la situation de la radiothérapie française. Les sociétés savantes (SFRO, SFPM), l'Institut National du Cancer (INCa), l'autorité de sureté nucléaire (ASN) le ministère de la santé se sont plus particulièrement mobilisés pour analyser les causes de ces événements regrettables et pour y apporter des remèdes. Plusieurs axes d'amélioration ont été retenus, mais un émerge plus particulièrement, l'augmentation du nombre de radiophysiciens médicaux dans les services de radiothérapie. Il est question de doubler le nombre d'étudiants en formation dans les années à venir et d'exiger la présence permanente d'au moins un radiophysicien lorsque les traitements de radiothérapie sont délivrés.
Les radiophysiciens médicaux appelés aussi radiophysiciens d'hôpital et aujourd'hui PSRPM pour personne spécialisée en radiophysique médicale (!) sont des professionnels de haut niveau titulaires pour la plupart d'entre eux d'une thèse d'université (bac +7). Leur création est due aux efforts conjugués dans les années 60 de Maurice Tubiana et d'Andrée Dutreix qui ont obtenu une filière universitaire spécifique alimentant depuis les services de radiothérapie en collaborateurs indispensables à leur fonctionnement correct. Toutefois, si leur statut a été reconnu très tôt dans les centres de lutte contre le cancer, il est resté flou voire absent à l'hôpital public et dans le secteur privé. Jusqu'au début des années 90, l'encadrement en radiophysiciens est cependant resté globalement correct permettant sans difficultés majeures la généralisation des accélérateurs linéaires dans la quasi-totalité des services français de radiothérapie.
L'explosion des techniques et des moyens de calcul des doses délivrées au cours des 15 dernières années a entraîné un hiatus progressif entre le développement des techniques et le nombre des professionnels chargés de les maîtriser. Les constructeurs, mais aussi les médecins radiothérapeutes, ont largement contribué à mettre en place des modalités de traitement considérées, le plus souvent à jute titre, comme innovantes et performantes sans pour autant toujours se soucier suffisamment des conséquences de leur mise en oeuvre sur la charge de travail et la nécessaire formation continue des radiophysiciens.
La distorsion progressive entre les exigences techniques et les ressources qualifiées présentes explique en grande partie la survenue d'incidents voire d'accidents au cours des dernières années. Il est donc logique de faire porter un effort particulier sur la profession de radiophysicien notamment en en augmentant le nombre.
Toutefois, il s'agit peut-être là d'une fausse bonne solution et ce pour plusieurs raisons:
l'augmentation du nombre d'étudiants formés n'aura de conséquences opérationnelles que dans plusieurs années;
comment être sûr que les étudiants s'orienteront très majoritairement vers des postes hospitaliers en radiothérapie sans améliorer substantiellement leur statut professionnel et la rémunération qui va avec ?
le nombre de radiophysiciens formés restera en toute hypothèse relativement modeste (quelques dizaines), ce qui, associé à un niveau élevé de rémunération, constitue potentiellement un obstacle à leur recrutement en nombre;
Mais, est-il absolument nécessaire que les radiophysiciens soient les seuls à concourir à la sécurité physique des traitements par irradiation ? Bien sûr que non et c'est d'ailleurs ce qui se passe dans la plupart des pays comparables, USA compris: les radiophysiciens sont les responsables d'unités de radiophysique comportant un éventail de collaborateurs moins titrés qui assurent sous leur autorité des tâches de dosimétrie, de radioprotection, de contrôle qualité, etc. Il ne faudrait pas que la nécessité de renforcer l'encadrement en radiophysique limite l'effort à ce seul aspect en particulier s'il est accompagné d'une tentation un tantinet corporatiste. C'est l'ensemble des professions contributives à la qualité des traitements par irradiation qui doit être soutenu sans oublier les médecins radiothérapeutes...qui restent les prescripteurs et donc les responsables finaux de l'ensemble du processus. Ces derniers doivent toutefois être plus attentifs aux conséquences opérationnelles de leurs choix techniques en particulier lors de l'acquisition de matériels innovants complexes, précaution que l'on peut facilement étendre à d'autres disciplines que la radiothérapie.
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