En comparaison avec la plupart des pays occidentaux, le management hospitalier public en France présente deux particularités majeures, d'une part l'existence d'un corps de directeurs administratifs d'hôpital et d'autre part la quasi inexistance de médecins chargés de la direction d'une structure hospitalière. Il est vraisemblable que ces deux caractéristiques sont liées, expliquant que la totalité des sructures hospitalières publiques ou assimilées soient dirigées aujourd'hui par des anciens élèves de l'Ecole Nationale de Santé Publique de Rennes devenue depuis peu Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique. Seul le Portugal dispose comme la France d'un corps identifié de directeurs d'hôpital. Rien dans les textes en vigueur n'interdit qu'un médecin, comme d'ailleurs tout autre candidat compétent, soit nommé directeur d'un hôpital, mais dans les faits force est de constater que les anciens élèves de l'école de Rennes sont les seuls à occuper ces postes à l'exception notable des directeurs des centres de lutte contre le cancer...et des hôpitaux militaires.
Les comparaisons internationales sont malaisées dans la mesure où notre structure hospitalière nationale est "atypique" avec un secteur hospitalier public fonctionnarisé et un important secteur privé commercial, répartition que l'on ne retrouve dans aucun autre pays occidental. En effet, dans la plupart des pays développés, il existe une prédominance forte du secteur privé mais qui est représenté très majoritairement par des établissements, certes de statut privé, mais sans but lucratif. Il est possible que ce type d'établissement, peu représenté en France pour ce qui est des grosses structures de soins aigus, explique, tout au moins en partie, l'existence de médecins chargés de la direction hospitalière et pas seulement de la direction médicale. Ces "executive physicians" se retrouvent à la tête d'institutions prestigieuses dans bon nombre de pays d'Europe et aux Etats-Unis, et il semble même qu'après un reflux au cours des années 1990-2000 au profit des gestionnaires administratifs et financiers, la tendance à privilégier une direction médicale pour un établissement de soins soit considérée à nouveau comme pertinente. On peut effectivement penser que la nature même de l'objet social d'un hôpital, à savoir le soin aux patients, soit de nature à confier naturellement le plus haut niveau de décision et d'orientation stratégique à un professionnel de ce même objet social. Encore faut-il que le praticien choisi n'ait pas pour seule compétence sa connaissance, fut-elle éminente, de la science médicale. Il est bien évident qu'être un bon médecin ne suffit pas pour diriger correctement un établissement de soins dont la complexité opérationnelle est devenue aujourd'hui majeure. Dans les pays où ces fonctions existent, des formations ad hoc de haut niveau permettent à un certain nombre de praticiens ou de scientifiques d'acquérir les connaissances nécessaires et suffisantes pour pouvoir appréhender correctement les métiers de leurs collaborateurs non médecins. De telles formations n'existent pas vraiment en France, probablement parce qu'il n'y a pas de débouchés professionnels réels, ce qui ne fait qu'auto-entretenir la situation actuelle caractérisée par une dyarchie médico-administrative dont la performance finale est de moins en moins évidente.
En ces temps de réformes multiples et variées, de rapports souvent pertinents mais inégalement suivis d'effets, peut-être faut-il transgresser certains interdits comme par exemple favoriser l'émergence significative d'établisements hospitaliers de haut niveau dotés d'un statut privé non commercial ou inciter certains praticiens aguerris à acquérir une formation managériale consistante et reconnue. On peut penser que l'un favorisera l'autre et réciproquement, mais l'on peut aussi craindre que le poids des statuts et des habitudes empêchera toute évolution de ce type.
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