Un des plus prestigieux journaux médicaux au monde, le New England Journal of Medicine (NEJM), a été sanctionné par le conseil américain de la formation médicale continue pour avoir omis de signaler les liens financiers qui existaient entre les auteurs d'un de ses articles et des industriels. L'affaire remonte au 26 octobre 2006, date à laquelle le NEJM fait paraître un article consacré à l'utilisation extensive du scanner thoracique chez les fumeurs et les anciens fumeurs tendant à démontrer qu'il était ainsi possible de faire le diagnostic précoce de cancers bronchiques alors curables dans 80% des cas. Cette étude appelée "I-ELCAP regimen" (International Early Lung Cancer Action Program) a été conduite par Claudia I. Henschke du Weill Cornell Medical College de New-York.
Le conflit d'intérêt a été révélé par un autre journal, The Cancer Letter, qui a indiqué que les auteurs de l'article étaient détenteurs de brevets couvrant la méthodologie diagnostique décrite, recevaient des royalties de la part des industriels de la radiologie, General Electric en l'occurrence, et qu'enfin le programme bénéficiait de contrats de recherche (3,6 millions de dollars) venant d'un groupe dont la compagnie Liggett Tobacco Group était une filiale !
Cette révélation a d'abord été démentie par le NEJM, alors que dans le même temps une autre publication prestigieuse, le JAMA (Journal of American Medical Association) publiait la liste exhaustive des liens commerciaux existant entre les responsables de cette étude et l'industrie.
Il semble que ces liens étaient en fait connus des responsables éditoriaux du NEJM et qu'ils aient décidé de ne pas en informer leurs lecteurs. En conséquence, la structure chargée de délivrer les accréditations pour la formation médicale continue a retiré au NEJM sa capacité à permettre à ses lecteurs d'acquérir des crédits de formation. Dans une lettre toute récente, l'éditeur en chef du NEJM a indiqué que la procédure de déclaration des conflits d'intérêts potentiels allait être revue où plus exactement complètement appliquée puisqu'elle figure déjà dans le règlement éditorial du NEJM.
Cette affaire n'est pas la première à mettre en évidence les relations parfois ambiguës entre les scientifiques et les industriels. Celle-ci est toutefois emblématique dans la mesure où elle concerne un journal médical de tout premier plan constituant une référence mondialement reconnue. Déjà, il y a quelques années, un éditeur en chef du NEJM avait renoncé à son poste, estimant qu'il n'était pas en mesure de publier dans tous les cas des informations exemptes de toute compromission avec des intérêts commerciaux. On voit que le mal persiste, même au sommet de la presse médicale et scientifique, ce qui ne laisse pas d'inquiéter pour ce qui peut se passer aux "étages inférieurs" ... Le plus grave, c'est que les résultats de cette étude sont vraisemblablement dignes d'être pris en compte, mais que le climat de suspicion qui entoure leur publication risque d'empêcher d'en tirer toutes les conséquences pratiques au bénéfice des patients.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire