vendredi 2 janvier 2009

Trop malade pour être soigné ?

Le 31 décembre 2008, l'adjoint du procureur de la république d'Evry a cru bon de faire part à la presse de son interprétation des résultats de l'autopsie pratiquée la veille sur le corps d'un patient de 57 ans, décédé au matin du 28 décembre précédent, après une phase confuse d'attente prolongée d'une hospitalisation en milieu spécialisé. Le magistrat a déclaré en substance que compte tenu de l'état cardiaque du patient, son hospitalisation plus rapide n'aurait probablement pas empêché son décès.
Quelles peuvent bien être les motivations de ce magistrat du parquet pour délivrer publiquement ce commentaire ? Exonérer par avance la puissance publique de toute responsabilité éventuelle dans l'organisation des secours d'urgence et des services de réanimation cardiologique ? Préparer à un classement sans suite de la plainte déposée depuis par la veuve du patient pour "mise en danger de la vie d'autrui"? L'avenir le dira, peut-être ...!
Mais restons sur l'homme qui s'autorise ce type de déclaration indépendemment de sa fonction de magistrat. Si l'on comprend bien, la perspective d'une issue fatale fortement probable dispenserait d'une prise en charge correcte à l'argument de son inutilité, vérifiée ... a posteriori. Il s'agirait là d'une euthanasie passive préventive, notion pour le moins nouvelle en éthique médicale. Par ailleurs, quelle curieuse façon d'envisager l'obligation de secours à toute personne en danger, en l'occurrence de mort, semble-t-il imminente ! Il faudrait donc, pour chaque situation, adapter l'intensité du secours de façon inversement proportionnelle au risque létal supposé, ce qui ne constitue pas le moindre des paradoxes.
En outre, notre magistrat devrait se douter que le pronostic effectif d'une situation médicale donnée n'est pas toujours évident d'emblée et qu'en toute hypothèse il n'est jamais univoque. Ainsi, même si les éléments diagnostiques sont initialement défavorables la possibilité de sauver le patient demeure, ce qui est d'ailleurs à la base de la raison d'être des secours d'urgence. Au delà, on ne peut qu'être inquiet qu'un magistrat du parquet, représentant donc l'état, introduise la notion de résultat comme élément susceptible de relativiser l'obligation de secours et d'assistance. Beaucoup de patients présentent, le jour du diagnostic initial, une maladie qu'il est aujourd'hui impossible de guérir. Les moyens mis en oeuvre pour les soulager, prolonger leur survie, les accompagner dans les étapes successives de leur évolution doivent-ils être réduits voire supprimés à l'argument de leur inefficacité finale ?
On peut faire crédit au procureur-adjoint d'avoir subi une forte pression médiatique pouvant expliquer une certaine précipitation dans sa déclaration radiodiffusée; on peut également demander à ceux qui requièrent parfois avec sévérité au nom du peuple français qu'ils respectent, quelles que soient les circonstances, les droits fondamentaux de leurs concitoyens en l'occurrence celui de trouver normalement assistance et secours quand ils sont en péril et a fortiori quand leur vie est menacée.
Au total, il vaudrait mieux que les magistrats évitent de s'essayer à la médecine, fût-elle légale, les médecins ayant pour la plupart compris, et ce depuis longtemps, que dire le droit ne figurait pas au rang de leurs compétences.

2 commentaires:

  1. Les magistrats aiment beaucoup disserter sur la médecine et porter des jugements à l'emporte-pièce sur cette discipline.Les méchantes langues disent que c'est parce qu'un certain nombre d'entre eux ont été recalés en PCEM 1 et ont du se réorienter !
    mais n'entrons pas dans cette forme de calomnie!

    mais il y a deux faits étonnants. d'abord les "experts". Un juge choisit des experts pour qu'ils produisent de la certitude là où la science demande à un expert de lui fournir de l'information pour réduire son degré d'incertitude. On voit sortir dans des dossiers des "experts" dont l'autorité scientifique est plutôt contestable mais cela, la justice n'en a cure.

    Deuxième situation : imaginez qu'un médecin ait, par une faute ou un manque d'expérience, causé chez un certain nombre de personnes une situation les empêchant de travailler ou de se déplacer pendant trente mois. La justice tomberait sur cet "incapable" et sur sa hiérarchie sans aucune pitié.

    Quand c'est un juge d'instruction qui embastille pendant trente mois des personnes innocentées ensuite de l'accusation de pédophilie et de viol, ce magistrat est-il interdit d'exercice ?Ceux hargés de le contrôler perdent-ils leur place ?

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