vendredi 12 septembre 2008

Le mieux est (parfois) l'ennemi du bien !

La rubrique santé du New York Times ouvre régulièrement ses colonnes à des témoignages souvent révélateurs de la réalité de terrain du système de santé aux USA. Dans son numéro du 8 septembre 2008, le docteur S. Jauhar de Long Island, raconte une histoire clinique qu'il juge démonstrative des effets pervers d'un système connu sous le nom de "pay to performance" ou "P4P".
Il s'agit d'un patient sexagénaire transféré d'un autre hôpital pour une poussée d'insuffisance cardiaque congestive et qui vient de recevoir les jours précédents une injection IV quotidienne d'antibiotiques alors qu'il ne présente aucun signe clinique, biologique ou radiologique de la pneumonie suspectée, les signes respiratoires étant liés à la défaillance myocardique. L'arrêt immédiat des antibiotiques n'a pas suffit à empêcher l'apparition d'une diarrhée infectieuse à Clostridium difficile, manifestement iatrogène, qui a nécessité un traitement intensif et une hospitalisation de 15 jours.
La prescription précipitée d'une antibiothérapie en l'absence de signes patents de pneumonie est due, selon le Dr. Jauhar, au programme d'amélioration de la qualité des soins appelé P4P dans lequel les médecins et/ou les établissements reçoivent de la part des assureurs ou du Medicare des "bonus" financiers s'ils respectent un certain nombre de recommandations dans des situations pathologiques diverses. Parmi ces recommandations, figure le délai maximal, fixé à 6 heures après l'admission, de la prescription d'une antibiothérapie en cas de pneumonie; or, il semble qu'il soit souvent techniquement impossible de recueillir dans ce délai l'ensemble des éléments cliniques, biologiques et radiologiques pour affirmer ce diagnostic. Il est suggéré que la "pression" exercée par les bonus du système P4P pousse à la prescription hâtive avec le risque évident de favoriser l'apparition d'une résistance aux antibiotiques ou d'une infection secondaire à cette prescription initiale. D'autres exemples du même type sont rapportés concernant notamment la gestion des patients ayant présenté un infarctus myocardique pour qui les recommandations, dont le respect donne droit à gratification, ne concernent en fait que ceux qui ne présentent qu'une insuffisance coronarienne isolée sans autre pathologie associée, ce qui ne représente au total qu'un patient sur deux. L'auteur de l'article suggère que le système de gratification provoque une sélection plus ou moins forte des patients, les situations les plus complexes échappant paradoxalement aux effets attendus d'un système dont l'objectif affiché est l'amélioration de la qualité des soins.
Il va sans dire que tous les acteurs d'un système de santé, au premier rang desquels figurent les patients et leurs médecins, sont favorables à tout ce qui peut contribuer à l'amélioration continue de la qualité et de la pertinence des soins. Toutefois, les stratégies à mettre en oeuvre doivent être mûrement réfléchies pour en limiter les effets indésirables. Dans ce cadre, le système consistant à apporter une gratification financière directe en cas de respect de recommandations formelles, ne paraît pas dénué de tout défaut ou reproche .

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