vendredi 19 septembre 2008

Polémique autour d'un test de diagnostic précoce en "libre service"

Voila ce que l'on peut lire aujourd'hui sur un forum internet aux USA : "Il y a eu beaucoup d'échanges sur le test OVASURE et les moyens de se le procurer. J'ai trouvé le moyen de l'obtenir. Il suffit de payer d'avance, environ 350 $, et l'on reçoit un flacon pour une prise de sang que l'on renvoit ensuite au laboratoire. Cela ne nécessite pas de consultation ou de prescription médicale, et n'apparaîtra pas dans votre dossier médical."
Ce type de message est la conséquence de la mise sur le marché à la fin du mois de juin dernier d'un test de diagnostic précoce du cancer de l'ovaire par la société LabCorp (Laboratory Corporation of America, Burlington, NC). Il s'agit d'un test sanguin recherchant 6 protéines circulantes susceptibles d'être sécrétées par les cellules tumorales ou les cellules normales en réaction à la présence de la tumeur. Ce test est le fruit d'un travail de recherche biomédicale réalisé à l'université de Yale dans le but de permettre le diagnostic précoce d'un cancer ovarien chez les femmes présentant un risque élevé de survenue de cette pathologie.
La nécessité d'améliorer la précocité du diagnostic des cancers de l'ovaire est une évidence dans la mesure où leur mauvais pronostic habituel est principalement lié à leur diagnostic tardif, ne laissant espérer une guérison que dans 20 à 30% des cas alors que traités au stade précoce plus de 80% des patientes en sont définitivement guéries.
On comprend alors aisément qu'un grand nombre de femmes, inquiètes à juste titre ou non, aient cherché à se procurer ce test accessible en dehors de toute prescription médicale. Toutefois, dès le mois de juillet la FDA puis la Société américaine d'oncologie gynécologique publiaient des mises en garde à l'intention de LabCorp et du public; en effet, les études effectuées avant sa mise sur le marché ne permettent pas, en fait, de conclure avec certitude que ce test est en mesure de faire le diagnostic de cancer de l'ovaire au stade initial de son développement. Des études complémentaires sont nécessaires avant d'affirmer qu'il est effectivement possible de proposer aux femmes présentant des risques avérés de cancer ovarien ce test sanguin comme technique de dépistage.
Cette affaire est un nouvel exemple des relations parfois malsaines entre innovation médicale et stratégie commerciale. Dans le cas particulier, il est difficile de ne pas penser que LabCorp a souhaité occuper le marché le plus rapidement possible au risque même de détériorer la performance affichée du test en élargissant indûment sa pratique au-delà du cadre prévu, initialement limité aux femmes à haut risque.
On peut comprendre sans aucune difficulté l'impatience des malades, de leurs médecins et du public en général vis à vis des avancées médicales. Il paraît toutefois indispensable de veiller collectivement à ce que l'innovation, réelle ou supposée, ne fasse pas le lit de stratégies mercantiles fondées sur la peur de la maladie. Il est par contre normal qu'une fois l'innovation avérée et sécurisée, ceux qui en sont à l'origine et/ou qui ont permis sa diffusion reçoivent une juste rétribution de leur travail, ne serait-ce que pour pouvoir poursuivre leurs efforts de recherche.


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