mercredi 15 octobre 2008

Imagerie médicale : comparaisons européennes peu flatteuses pour la France

Parmi les multiples indicateurs établis par les services de la communauté européenne, certains concernent l'état de santé de la population explorée à travers plusieurs paramètres dont la liste a été établie dans le cadre de l'actuel programme communautaire de santé publique. Au titre de l'activité hospitalière, figure le nombre de scanners et d'IRM par million d'habitants. La lecture des tableaux comparatifs, actualisés en 2008 pour les données de 2006, montre que la France est placée en queue de peloton aussi bien pour les scanners que les IRM, avec respectivement des taux de 10 et de 5,3. Elle n'est suivie que par la Hongie, la Pologne ... et le Royaume-Uni pour ce qui concerne les scanners, la Tchéquie, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie pour ce qui est des IRM. Pour mémoire, il existe, toujours pour 1 million d'habitants, près de 40 scanners en Belgique, 30 en Autriche, 26 au Portugal...et 34 aux USA. Pour les IRM, il y a presque deux fois plus d'appareils installés en Espagne qu'en France, trois fois plus en Autriche ou en Suisse, 5 fois plus aux USA.
Comment expliquer que nous nous retrouvions dans cette situation médiocre alors que la France est historiquement un des berceaux majeurs du développement de la radiologie et de son industrie bien que cette dernière ait disparue de l'héxagone depuis bien des années?
Traditionnellement, la France a toujours été particulièrement rétive à la diffusion rapide des nouvelles technologies même quand elles avaient fait l'objet de multiples évaluations préalables à l'étranger. Ce fut le cas dans les années 70 pour les scanners et dans les années 90 pour les IRM. Si ces délais initiaux peuvent être justifiés par une certaine prudence vis à vis de l'innovation, leur durée excessive conduit à la situation actuelle que n'ont que partiellement corrigé les plans d'investissement successifs, Hôpital 2007 et 2012. En fait, le paradigme prévalent était, et reste encore en grande partie, que l'augmentation du nombre d'appareils entraîne mécaniquement une augmentation du nombre d'actes et de ce fait une dérive des coûts pour l'assurance maladie au moins dans le secteur privé commercial. Par ailleurs, au titre des conséquences de l'inquiètude précédente, il est couramment invoqué pour contribuer à expliquer la situation actuelle de l'imagerie médicale en France la responsabilité de procédures administratives tatillonnes nécessaires à la délivrance des autorisations d'installation, ce qui est peu contestable même depuis qu'elles sont devenues de gestion régionale sous l'autorité des ARH (*).
Certes, ces éléments expliquent en partie le retard conséquent qu'a pris la France en matière d'équipements modernes d'imagerie médicale, retard qui comporte de multiples conséquences pour la qualité de prise en charge des patients y compris en termes d'égalité du fait de différences inter-régionales considérables. Ainsi, les délais d'attente pour bénéficier d'un examen par IRM varient, si l'on en croit la publication récente de l'association Image Santé Avenir, regroupant les constructeurs, entre 22 jours en Ile de France ou en Midi-Pyrénées et 71 jours en Lorraine ou 74 jours en Corse.
Pour rester sur ce dernier élément, on peut remarquer que ces délais sont inversement proportionnels à la densité médicale et notamment celle des spécialistes libéraux, cette dernière suivant d'ailleurs fidèlement le nombre d'appareils installés. Ainsi, les délais d'accès à l'IRM les plus courts sont constatés en Ile de France et dans le sud du pays.
En conséquence, on peut raisonnablement avancer que le fait que la France soit un des pays européens présentant le secteur privé commercial le plus développé, notamment en imagerie médicale (75% des praticiens), a participé à la constitution d'un retard d'équipement conséquent par rapport à nos voisins y compris ceux réputés pendant longtemps mal dotés comme l'Espagne.
En effet, il est très probable que cette structure particulière de l'offre de soins ait joué contre le desserrement des indices de population qui au sein de la célèbre carte sanitaire, aujourd'hui en grande partie abolie, ont encadré administrativement pendant de nombreuses années le nombre d'installations possibles dans un bassin de population donné, par peur d'un dérapage des coûts du fait du paiement à l'acte. Mais on peut également faire l'hypothèse que la même structure de rémunération ait plus ou moins délibérément agit dans le même sens, en conservant dans les mains d'un nombre relativement faible de praticiens les moyens d'imagerie.
Quoiqu'il en soit, certains faits sont avérés : d'une part les radiologues sont parmi les médecins spécialistes libéraux ceux qui bénéficient en France des plus hauts revenus et, d'autre part, les difficultés démographiques médicales qui nous attendent, notamment à partir de 2015 vont limiter encore le nombre de radiologues et donc, par construction, d'appareillages.
Ceci revient à dire que la pénurie relative en offre d'imagerie médicale va perdurer en France pendant encore longtemps et que par ailleurs la place originale par rapport aux autres pays européens du secteur privé dans cette offre ne semble pas l'avoir empêché qu'elle soit aujourd'hui insuffisante et mal répartie sur le territoire.

(*) ARH : agence régionale de l'hospitalisation devant devenir prochainement une agence régionale de santé (ARS) en englobant le volet médico-social.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire