mercredi 8 octobre 2008

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Sous le titre accrocheur "Une première pour l'hospitalisation privée en France !", le groupe de cliniques OC-santé annonce sur son site qu'un de ses établissements, la clinique du Millénaire de Montpellier, propose désormais à ses patients la technique de radiochirurgie, en collaboration avec le centre anti-cancéreux de la même ville. Il s'agit donc d'un nouvel accès à cette technique particulière de radiothérapie (voir sur ce blog "Radiochirurgie: un néologisme ambigu") pour les patients de la région Languedoc-Roussillon, le CHU et le centre anti-cancéreux de Montpellier ayant déjà débuté cette activité depuis 2006.
Ce que l'on sait de l'épidémiologie spontanée des lésions endocérébrales susceptibles de bénéficier de ce type de traitement, c'est qu'elles sont relativement peu fréquentes et que la complexité technique, le coût humain et matériel de la radiochirurgie plaident en faveur de la concentration des patients sur des lieux de traitement peu nombreux et hautement spécialisés. Dans le cas particulier, il existe déjà des appareillages dédiés à la radiochirurgie aux CHU de Marseille et de Toulouse auxquels s'ajoute donc le site de Montpellier avec deux sites neurochirurgicaux, un public et l'autre privé, et un lieu unique d'irradiation.
Par ailleurs, la lecture, toujours sur le site d'OC-santé, de la description des modalités pratiques du traitement ne laisse pas de surprendre; en effet, le traitement semble nécessiter trois jours d'hospitalisation à la clinique du Millénaire et surtout il est réalisé sur deux sites géographiquement distincts ce qui conduit à deux transferts en ambulance pour le patient chaque fois avec le cadre stéréotaxique fixé sur son crâne !



Nul doute que les promoteurs de cette procédure ont veillé à ce que ces transferts ne fassent courir aucun risque au patient ni ne détériorent en aucune façon la précision géométrique indispensable à cette méthode de traitement. Il est également probable que le déroulement de la prise en charge soit le fruit d'un compromis entre les praticiens des deux structures, chacun exerçant sa spécialité dans son établissement, en l'occurrence le neurochirurgien dans le privé et le radiothérapeute dans le public. On ne peut cependant s'empêcher de penser que comme dans la tragédie classique, l'unité de lieu est souvent préférable et qu'en l'occurrence, la mise en place par un neurochirurgien d'un cadre stéréotaxique sous anesthésie locale est parfaitement possible en dehors d'un service spécialisé en neurochirurgie.

L'émergence dans toutes les villes de France, et chaque fois dans les deux secteurs d'exercice, de techniques médicales complexes et dangereuses concernant un nombre limité de patients, constitue à l'évidence une évolution discutable tant pour ce qui concerne la disponibilité réelle des compétences en tout lieu que pour ce qui est du niveau cumulé des ressources humaines et techniques engagées. Cette situation deviendrait franchement inacceptable si cette multiplication de sites était pour tout ou partie le résultat d'un réflexe identitaire propre à une région, à une ville ou à un secteur d'exercice. Le titre choisi par OC-santé laisse penser que ce dernier aspect n'est peut-être pas complètement étranger à sa démarche.

Il semble que le temps soit largement venu pour que les frontières entre secteurs d'exercice ne soient plus à l'origine de complications inutiles, parfois préjudiciables à la qualité des prises en charge, à la condition bien entendu que le travail de chacun soit pleinement reconnu. Il est plus que probable que nous n'avons plus (si tant est que nous les ayons eu un jour) les moyens collectifs de cet émiettement dispendieux des savoir faire et des ressources.

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