Les laboratoires Pfizer sont poursuivis devant la cour fédérale de Boston par plusieurs plaignants, dont des associations de consommateurs et des compagnies d'assurances de santé, qui accusent l'industriel de la pharmacie d'avoir promu des indications nouvelles de son célèbre anti-épileptique, le Neurontin (gabapentine), sans avoir la preuve de son efficacité et même en dissimulant des éléments en faveur de son inefficience.
Les faits remontent au début des années 2000, époque à laquelle Pfizer développait une stratégie visant à étendre la prescription du Neurontin à d'autres indications que l'épilepsie comme les troubles psychologiques bipolaires (*), le traitement de certaines douleurs ou la prévention de la migraine. Ces prescriptions en dehors de l'indication de référence, auraient rapporté, selon le New York Times, environ 3 milliards de dollars par an et ce jusqu'en 2004, date à partir de laquelle le Neurontin a perdu la protection de son brevet initial et a donc pu être proposé sous une forme générique.
Les experts commis ont déclaré devant la cour fédérale que Pfizer avait développé une tactique consistant à retarder la publication des essais comportant des résultats négatifs, à mélanger les résultats négatifs avec des données positives pour en atténuer l'effet et de façon générale à présenter les résultats de façon flatteuse. Les mêmes experts relèvent que l'industriel a complètement contrôlé l'ensemble des études cliniques, "brouillant en cela les frontières entre science et marketing". Un des experts commis ajoute que parmi les 21 études cliniques consacrées à ces "nouvelles" indications du Neurontin, 5 étaient positives et 16 négatives, et que, de plus, parmi les 5 études positives, 4 avaient été publiées sous forme d'articles alors que seulement 6 des études négatives avaient donné lieu à des articles dont deux sous forme de simples résumés.
Indépendamment des conséquences judiciaires éventuelles de cette affaire, le résultat de ces expertises pose une fois de plus le problème de la littérature scientifique dite "grise", c'est à dire de celle qui est est peu ou pas accessible dans la mesure où elle n'est pas (ou mal) publiée. En effet, d'aucuns peuvent ne pas souhaiter que certaines données soient révélées et ce pour des raisons diverses qui peuvent être commerciales comme cela semble être le cas dans l'affaire concernant Pfizer.
Il ne s'agit pas là d'un phénomène nouveau, mais sa persistance et ses éventuelles conséquences dommageables pour les patients restent préoccupantes. Le biais de publication est devenu perceptible avec le développement des méta-analyses (**), même si cette technique comporte des moyens capables de le déceler. C'est ainsi qu'il a été montré (***) que le fait d'éliminer d'une analyse récapitulative ou méta-analyse, les résultats des essais non publiés majorait l'effet décrit d'environ 15% et qu'éliminer ceux publiés uniquement sous forme de résumés conduisait à une surestimation de plus de 30%.
Le moyen le plus efficace de réduire ce biais est la constitution de registres prospectifs d'essais dans lesquels les démarches de recherche clinique sont systématiquement inventoriées lors de leur mise en place. Ceci permet d'avoir accès aux protocoles d'étude et d'en garder la mémoire même si leurs résultats ne sont jamais publiés. Il existe aujourd'hui de multiples registres nationaux et internationaux, comme en France celui de l'AFSSAPS ou celui du NIH aux USA ; il existe par ailleurs une tentative internationale d'exhaustivité baptisée Current Controlled Trials. En 2004, la décision de l'association internationale des éditeurs de journaux médicaux (ICMJE), de ne publier les résultats que des essais dûment déclarés à un registre officiel est venue renforcer le dispositif qui devrait ainsi devenir une règle internationale intangible, théoriquement capable de lever les doutes qui entachent parfois les résultats issus de la recherche clinique.
Il ne s'agit pas là d'un phénomène nouveau, mais sa persistance et ses éventuelles conséquences dommageables pour les patients restent préoccupantes. Le biais de publication est devenu perceptible avec le développement des méta-analyses (**), même si cette technique comporte des moyens capables de le déceler. C'est ainsi qu'il a été montré (***) que le fait d'éliminer d'une analyse récapitulative ou méta-analyse, les résultats des essais non publiés majorait l'effet décrit d'environ 15% et qu'éliminer ceux publiés uniquement sous forme de résumés conduisait à une surestimation de plus de 30%.
Le moyen le plus efficace de réduire ce biais est la constitution de registres prospectifs d'essais dans lesquels les démarches de recherche clinique sont systématiquement inventoriées lors de leur mise en place. Ceci permet d'avoir accès aux protocoles d'étude et d'en garder la mémoire même si leurs résultats ne sont jamais publiés. Il existe aujourd'hui de multiples registres nationaux et internationaux, comme en France celui de l'AFSSAPS ou celui du NIH aux USA ; il existe par ailleurs une tentative internationale d'exhaustivité baptisée Current Controlled Trials. En 2004, la décision de l'association internationale des éditeurs de journaux médicaux (ICMJE), de ne publier les résultats que des essais dûment déclarés à un registre officiel est venue renforcer le dispositif qui devrait ainsi devenir une règle internationale intangible, théoriquement capable de lever les doutes qui entachent parfois les résultats issus de la recherche clinique.
(*) Troubles bipolaires : troubles psychologiques caractérisés par la succession de phases hyperactives dites maniaques et de phases dépressives.
(**) Méta-analyse : démarche statistique combinant les résultats de plusieurs études indépendantes, éventuellement contradictoires, portant sur un problème identique; elle permet par l'augmentation du nombre de cas étudiés d'améliorer la précision d'analyse. La méta-analyse permet une analyse plus précise des données par l'augmentation du nombre de cas étudiés et de tirer une conclusion globale.
(***) McAuley L, Ba'Pham, Tugwell P, Moher D. Does inclusion of gray literature influence estimates of intervention effectiveness reported in meta-analysis? Lancet 2000;356:1228-1231.
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